Accueil
L'association
Nous contacter
L'atelier de traduction
Caractères spéciaux


Tous les auteurs
Le poétisme
La littérature tchèque depuis 1945


Les ouvrages
Bibliographie générale des oeuvres traduites


Chronologie générale
Le printemps de Prague
Documents sur la période communiste
Masaryk


Quelques liens utiles


 

Les réactions dans le monde

Les pays du pacte de Varsovie

 


LA RDA
    Dans la presse est-allemande les événements en Tchécoslovaquie sont considérés non sans une certaine agressivité comme un " complot des intellectuels ", commencé en 1963 avec le procès sur Kafka. Il s'agit d'une tentative des " forces contre-révolutionnaires " d'affaiblir les pays socialistes. On voit derrière la " libéralisation " tchécoslovaque la politique du gouvernement de Bonn. Ainsi, on y trouve très souvent des allusions à l'année 1938 et à l'occupation des Sudètes par l'Allemagne fédérale (sujet délicat) afin de pouvoir justifier l'intervention soviètique. La construction du mur de Berlin est un autre thème qu'on trouve fréquemment dans les articles et qui permet de concevoir l'idée des pays du bloc socialiste comme de vrais gardiens de la paix.


LA POLOGNE
    La presse polonaise a du, tout d'abord, accuser les dirigeants tchécoslovaques de ne pas avoir agit dans le sens des accords de Bratislava, tout en présentant la situation qui s'empire rapidement et qui va contre le rôle dirigeant du parti communiste et contre les bases mêmes du socialisme. Les journaux n'hésitent pas ensuite de souligner la menace territoriale (frontière sud avec la Tchécoslovaquie - appel au nationalisme polonais) en rappelant l'année 1939, quand l'armée allemande a envahie la Pologne depuis la Tchécoslovaquie.
Les dirigeants polonais ressentent le " libéralisme " tchécoslovaque comme une menace, surtout quant à l'influence grandissante des intelectuels dans la politique. Il s'agit de pousser la classe ouvrière contre les intellectuels en leur expliquant que ces derniers veulent la priver de pouvoir. Certains observateurs regardent le Printemps de Prague comme une continuation des manifestations et de la répression des intelectuels polonais de mars 1968 (comme le but de l'intervention soviétique était avant tout de bloquer la libéralisation en URSS).
La politique de la presse est la justification de l'intervention soviètique en Tchécoslovaquie mais il s'agit également d'attaquer les " révisionnistes " polonais et les " leaders sionnistes " en Tchécoslovaquie et en Pologne.

    La société polonaise est divisée à l'époque du Printemps de Prague en quatre groupes :

  • Les communistes fidèles à W. Gomulka :
    Gomulka est un ennemi de la libéralisation du système ce qu'il n'hésite pas de communiquer lors de sa rencontre avec son homologue tchécoslovaque tout en décrivant très concrètement les mesures qu'il a du entreprendre contre les " forces antisocialistes " après octobre 1956.
    Une des raisons de la position prise par Gomulka est peut-être la crainte de l'éventuelle contamination de la Pologne par les idées tchècoslovaques. Wladislaw Gomulka était pour une suppression ferme de toute " contre-révolution ".
    Les espoirs de Dubcek d'obtenir Gomulka du côté de la Tchécoslovaquie était naïfs. Gomulka approuve l'intervention millitaire et l'armée polonaise participe à sa préparation. Plus tard il se montre encore plus radical en suggérant d'instaurer une dictature millitaire en Tchécoslovaquie.
  • Les réformistes non organisés (les " révisionnistes ")
  • Les libéraux qui s'identifient au Printemps de Prague :
    La droite polonaise sympathisait avec les événements à Prague et elle les classait à côté des manifestations de ses propres étudiants en mars 1968, ces mouvements étant réprimés et étouffés, une " activité antigouvernementale " secrète était néanmoins toujours présente.
    Ruch (la seule organisation clandestine, independantiste et anticommuniste polonaise, créé en 1962) voyait dans la libéralisation de la Tchécoslovaquie un espoir pour leurs contacts avec l'Ouest, l'émigration (en 1945-48 la Tchécoslovaquie était l'un des principaux chemins pour passer à l'Ouest) et une aide à l'opposition polonaise par les Tchèques et les Slovaques démocratisés.
    Après l'invasion, des slogans et des tracts protestant contre l'intervention soviétique et la participation polonaise sont apparus notamment dans les grandes villes. A la suite de ces protestations quelques personnes furent arrêtées. Une dizaine de personnes protestait aussi en rendant sa carte au Parti. Le 9 septembre Ryszard Siwiec s'immola par le feu pendant la " fête des Moissons " devant un stade de 100 000 en guise de protestation, son acte est passé presque inapperçu.
  • La majorité silencieuse qui se trouve au " milieu " (ceux qui " n'ont pas d'avis " - la plupart des
    2 100 000 membres du Parti) :
    Pour le peuple polonais l'invasion de Prague signifiait surtout les rayons vides dans les magasins.
    La propagande est devenue très agressive, à partir du mois de mars fortement antisémite et anti-intelectuelle ravivant les souvenirs de 1938. Elle visait surtout les étudiants en grêve, toute sorte de réformateurs du socialisme et le Printemps de Prague qualifié de " contre-révolution " dont la victoire signifirait la sortie de la Tchécoslovaquie du pacte de Varsovie avec la conséquence de la frontière sud polonaise exposée à toute attaque de l'OTAN et de la RFA.


LA BULGARIE
    Vu l'attitude fraternelle du peuple et notamment des intellectuels bulgares envers le peuple tchécoslovaque, la presse et les dirigeants bulgares se sont abstenus dès le début de l'année 1968 des commentaires sur les événements en Tchécoslovaquie, ils se contentent de citer leurs confrères étrangers. Néanmoins, le Printemps de Prague crée certains soucis aux dirigeants bulgares qui veulent poursuivre la politique de la détente dans les Balkans qui maintenant, à cause des événements en cours en Tchécoslovaquie et à cause du soutien de la Yougoslavie à leur égard, risque d'être compromise.
    Pour la première fois, une critique violente dirigée contre les dirigeants tchécoslovaques est publiée par la presse après la lettre adressée par les " Cinq " de Varsovie aux Tchécoslovaques. Ensuite après les négociations de Cierná et de Bratislava les journaux changent d'attitude. L'invasion est annoncée sans commentaire, elle déclenche des discussions où le soutien est apporté mais sans accuser nominalement. En ce qui concerne la Yougoslavie est sa position à l'égard de la Tchécoslovaquie, la critique est déjà plus accérée. Ce n'est que le discours du Premier secrétaire, M. Jivkov, du 26 août que la critique lève complètement les barrières.

LA HONGRIE
    On peut ressentir un certain malaise des mass médias à l'égard des événements en Tchécoslovaquie. Depuis le début le PCH a sympathisé avec les réformes socialistes tchécoslovaques (malgré les mises en garde permanentes des dirigeants hongrois sur les conséquences d'une libéralisation trop rapide en argumentant avec l'expérience hongroise de 1956) et M. Kádár avec d'autres dirigeants souhaitaient leur réussite.
    Mais il y a encore un autre élément relatif à la position des Hongrois par rapport aux événements en Tchécoslovaquie. Il s'agit d'une vaste région peuplée en actuelle Slovaquie du Sud dont l'Etat tchécoslovaque s'est emparé en 1918-19 (même si la Hongrie l'a recupéré en 1938 grâce aux accords de Munich et reperdu en 1945). La situation de la minorité hongroise en Slovaquie du Sud, empirée après 1945, n'a pas amélioré le problème. La Tchécoslovaquie a même voulu expulser la minorité hongroise pour en finir avec leur problème de la même manière comme elle a réglé le problème des Allemands des Sudètes. Après l'opposition des Alliés à cette " solution ", la Tchécoslovaquie a imposé un " échange de population " très discutable, comprenant 200 milles Hongrois. L'image de la Tchécoslovaquie ne s'est pas améliorée dans les yeux des Hongrois après 1945.
    Quant aux événements de 1956 (l'insurrection hongroise), les Tchèques et les Slovaques manifestaient une hostilité active ce qui a influencé l'attitude, en particulier de la Hongrie " profonde ", vis-à-vis des événements tchécoslovaques.
    La presse ne publie que des commentaires modérés sans s'être jamais mise du côté de la critique anti-tchécoslovaque. Pourtant elle s'est montrée pessimiste vis-à-vis de l'aboutissement de l'expérience tchécoslovaque. Dans les premiers jours de l'invasion les journaux n'ont publié aucun commentaire, correspondance ni dépêche.
    Après la signature des accords de Moscou ils commencent au fur et à mesure à insister sur les progrès de la " normalisation ". La présence militaire hongroise en Tchécoslovaquie est minimisée. Les dirigeants tentent d'apporter au reste du monde, le plus discrètement possible, le message de la volonté de poursuivre la détente pour réaliser sa propre réforme, essentielle pour l' avenir du pays, et étaient donc mêlés dans l'affaire de l'invasion contre leur gré.

    Les réactions à l'égard du Printemps de Prague et de l'invasion soviétique peuvent êtres distinguées selon l'appartenance de différents éléments de la société hongroise en quatre groupes :

  • La Hongrie " officielle " de János Kádár:
    La position de M. Kádár n'est pas tout à fait claire. Pourtant, c'est justement lui qui a compris le mieux de tous les dilemmes de Dubcek: qu'est-ce qui est plus important -la volonté de la nation ou bien les intérêts du mouvement international communiste? Kádár se posait les mêmes questions en 1956 et il a vite compris que c'était effectivement le mouvement communiste international qui avait la priorité. Et il savait également que c'est un processus révolutionnaire contre lequel il faut engager toutes les forces. Dès le début de la crise Kádár jouait le rôle de l'intermédiaire entre Moscou et Prague et celui d'un certain expert mandaté par le Kremlin.
    Il est utile de préciser que Kádár a subi une blessure particulièrement douloureuse quand Literární Listy (l'un des principaux protagonistes du Printemps de Prague) a évoqué comme précurseur tragique de la réforme du socialisme l'ex-compagnon de Kádár, à savoir Imre Nagy. Depuis, sa colère s'est mêlée à la méfiance initiale.
    Kádár encourage très tôt les mesures de force, il devient le principal " consultant " de Moscou pour y conseiller dans les marches à suivre. Pourquoi cette prise de position extrême ? La peur des informations compromettantes sur sa personne pendant la " contre-révolution hongroise " dans les archives à Prague et une éventuelle ouverture de leur porte? Ou voulait-il éliminer un concurrent potentiel dans le rôle de " réformiste " qu'il prétendait assurer seul dans le monde communiste? Ou bien la manipulation à distance par son protecteur soviétique depuis 1956, à savoir Iouri Andropov- chef du KGB?
    La fin brutale du Printemps de Prague a également suscité des critiques dans les rangs du Parti communiste hongrois (comme le premier ministre hongrois de 1955-56, Andres Hagedus), le parti de Kádár. Le régime contre-révolutionnaire de Kádár s'est constitué sur les bases antirévisionnistes, antinationalistes mais également sur des éléments antistaliniens. Les réformistes prenaient la déstalinisation au sérieux et sympathisaient avec les tentatives de la direction Dubcek de réformer en douceur.
  • La Hongrie " semi-officielle " :
    1/ Les militaires :
    Parmi les partisans militaires de la Hongrie " semi-officielle " les événements historiques jouaient un rôle important pour rester à l'écart lors d'une intervention militaire en Tchécoslovaquie. Ils savaient qu' une fois avoir franchi la frontière slovaque, la situation serait plus que délicate. La veille de l'invasion l'ambassade tchécoslovaque à Budapest en a été informé par un appel d'un officier hongrois anonyme.
    2/ Les économistes :
    Les économistes étaient par contre plus que concernés par les événements tchécoslovaques car leur réforme ressemblait beaucoup à celle de l'équipe d'Ota Šik. Il y avait des échanges intellectuels entre les deux milieux. La Hongrie des économistes était heureuse d'avoir des alliés précieux dans un pays frère voisin.
    Après l'invasion, les économistes hongrois s'attendaient que leur réforme terminerait aussi catastrophiquement que la réforme tchécoslovaque. Mais contre toutes les espérences, la réforme hongroise, protégée par la politique opportuniste de János Kádár, a pu continuer pendant des années. Elle a du adopter un caractère strictement technique sans changement politiques mais au moins elle a pu continuer dans son existence.
  • La Hongrie " profonde ":
    1/ Les apolitiques et les indifférénts :
    A cause des souvenirs historiques de caractère territorial le peuple manifestait peu de sympathie envers la Tchécoslovaquie. Il éprouvait de l'inquiétude et de l'irritation envers les événements qui pourraient entraîner des problèmes même dans les autres pays socialistes, en particulier en Hongrie.
    2/ Les " rebelles " (minorité) :
    Ce milieu vivait dur la fin qui était mise à l'insurrection hongroise de 1956. Elle a crée des complexes qui se manifestent par le manque d'envie de s'engager à nouveau dans une vie politique.
    Les rebelles ressentent beaucoup de sympathie envers le Printemps de Prague et l'intervention soviétique considerent comme leur propre défaite, un deuxième novembre 1956.
    3/ La jeunesse de 1968 :
    Pour les jeunes Hongrois l'année 1968 est devenue l'année de la rupture avec le marxisme officiel. Ils sont séduits par les nouveautés qui se font sentir dans les autres pays. C'est cette génération qui commence dix ans plus tard à former une opposition politique. Et c'est justement içi qu'on trouve le maillon entre 1968 et 1989.


LA ROUMANIE
    Nicolas Ceausescu, depuis 1965 sécrétaire général du PCR, est un partisan de la politique du national-communisme (version roumaine du " socialisme à visage humain " tchécoslovaque) visant l'autonomie et l'indépendance du PCR par rapport au PCUS. Depuis 1960 la Roumanie, pays de l'orthodoxie du socialisme, a connu une tardive déstalinisation, accompagnée d'une dérussification des institutions et d'une ouverture vers l'Occident.
    Le 16 août un nouveau " traité d'amitié, collaboration et association mutuelle " entre la Roumanie et la Tchécoslovaquie est signé à Prague. Le PCR soutenait le PCT pendant le Printemps de Prague, il en voit des alliés potentiels représentant le même genre de socialisme comme celui de la Roumanie.
    Dès le début de la crise la réaction de la presse roumaine est celle de la réprobation de l'intervention, de l'angoisse et elle fait appel aux instances internationales (appel du président à l'ONU pour qu'elle condamne l'intervention). Vu la défense active et le soutien de la Tchécoslovaquie, Ceausescu est tenu à l'écart des réunions des Cinq et des préparatifs militaires. La Roumanie ne participe pas à l'intervention soviétiques aux côtés des autres pays du pacte de Varsovie et il ressort que la direction du PCR n'était même pas au courant de l'imminence de l'intervention. La Tchécoslovaquie fait appel à la Roumanie comme à un pays du pacte de Varsovie pour qu'elle " fasse quelque chose ". Dans son discours du 21 août, le président Ceauscescu condamne l'invasion comme une violation de la souveraineté nationale et exprime la crainte qu'une intervention pareille pourraît être faite demain en Roumanie sous le voile d'une soi-disante " contre-révolution ". Il annonce également la création des gardes patriotriques armés prêts de défendre leur patrie, la paix et le socialisme en Europe. Les journaux développent la justesse de la crainte exprimée par le président et ils continuent à surveiller les événements de près.
    Avec le souci de tout faire pour que la menace (la Roumanie est convaincue de son existence) ne se concrétise pas, la situation en Tchécoslovaquie n'est passé qu'au deuxième point sur l'ordre du jour. La Roumanie et la Yougoslavie s'assurent de la confiance, de la coopération et d'un aide mutuel entre les deux pays en cas d'une événtuelle attaque soviétiétique - la crainte principale de ces deux pays à l'époque de l'invasion de la Tchécoslovaquie. Certes, la Roumanie comme la Yougoslavie demandent le retrait des troupes des Cinq mais surtout, elles s'efforcent de faire tout le possible pour prévenir une attaque dans leurs pays. Ils maintiennent " en principe " l'appui à Dubcek, réélu par le congrès du PC.
    M. Ceauscescu reçoit Ota Šik, ministre du gouvernement tchécoslovaque, dans la presse ce dernier est présenté sous ses nouvelles fonctions de membre du Présidium du Comité central ce qui signifie implicitement que la Roumanie accepte la validité du congrès clandestin du PCT.
Après la visite du M. A.V. Basov du 25 août, ambassadeur soviétique, la situation se détend, l'alarme est passé, la presse change de ton, elle souligne que la coopération avec l'URSS est plus que jamais nécessaire et déclare que la Roumanie ne veut plus faire l'objet des attaques de la part de l'URSS et de ses alliés. Néanmoins, elle continue à publier des télégrammes de soutien à la politique du Parti et de l'Etat. Les journaux n'attaquent plus l'URSS et ses alliés mais continuent à insister sur la nécessité de normaliser les relations entre la Tchécoslovaquie et les autres pays socialistes, tout en retirant les troupes des envahisseurs dans les " plus brefs délais ". Mais pour Ceausescu l'affaire tchécoslovaque est déjà pratiquemment close depuis le 25 août quand il reçoit une rassurance à l'égard du sort de son pays.

 

- Page suivante -
- Retour à la table des matières -

 

 

© Bohemica 2.0, 2001-2006 - Accueil - Contact