Le poétisme
Selon Teige, l'expression la plus noble de
l'art moderne n'était pas à chercher dans les
cathédrales ou dans les galeries, mais dans les produits
fonctionnels de la civilisation technique. L'art de demain,
comme le démontrait déjà l'architecture
d'alors, allait abandonner le romantisme et l'art décoratif,
et son esprit serait proche de celui de la géométrie
ou de la science. Mais ce nouveau style de vie devait aussi
tenir compte de la part irrationnelle de l'homme, de cette part
de lui qui a soif de bizarre, de fantastique et d'absurde. Pendant
six jours, l'homme serait rationnel, et le septième jour,
il se reposerait de sa raison. Cette récréation,
cette hygiène sociale, était la fonction du poétisme,
censé compléter ainsi le constructivisme, formant
sa face opposée.
Le poétisme n'était pas en soi un art, mais un
style de vie, une attitude et une forme de comportement. Il
était favorable à la croissance d'un art ludique,
non-héroïque, non-philosophique, espiègle
et fantastique : il fleurissait dans une atmosphère de
gaîté et de jeux, et visait à attirer l'attention
de ceux qui vivent dans l'obscurité des usines et des
vieux immeubles sur les clairs éclats du divertissement.
" Le poétisme cherche à changer la vie en
un magnifique amusement, un carnaval excentrique, une arlequinade
d'émotion et d'imagination, un film enivrant, un merveilleux
kaléidoscope. Ses muses sont bienveillantes, douces et
souriantes, et ses regards sont aussi fascinants et insondables
que ceux des amants. "
Jean-Gaspard Páleníček
D'après Alfred French, The Poets of
Prague, London, 1969.