Jaroslav Seifert
23. 9. 1901 ikov (aujourd'hui Prague-ikov)
10. 1. 1986 Prague
Poète, traducteur et journaliste, originaire de la banlieue
ouvrière de Prague ikov. En 1920, un des
fondateurs de l'association artistique Děvetsil. Ses premières
poésies, appelant une transformation révolutionnaire
de la société, sont imprégnées d'art
naïf et font montre d'un rapport sensuel au monde, parsemées
d'hyperboles donnant aux images naïves et aux gestes crâneurs
un second niveau vivifiant (La ville en pleurs, 1921, Que de
l'amour, 1923). Ses poèmes poétistes réutilisent
cette méthode développant en particulier son aspect
ludique : ses poésies sont alors souvent basées
sur des jeux de mots, des travestissements de citations bibliques,
des anecdotes - mais il crée aussi alors des poèmes
graphiques (Sur les ondes de la TSF, 1925, en collaboration
avec K. Teige).
En 1924, il effectue
un voyage en France en passant par l'Italie, en compagnie de
Karel Teige, et, en 1925, il fait partie de la délégation
culturelle tchécoslovaque envoyée en Union soviétique.
En 1929, il est expulsé du parti communiste pour avoir
protesté avec six autres écrivains contre sa nouvelle
direction menée par Gottwald qui prônait une forte
bolchévisation et une complète fidélité
à Moscou. Journaliste communiste jusqu'alors, il se tourne
vers la presse socio-démocrate. A partir des années
30, il se libère complètement de tout courant
littéraire et se concentre sur l'approfondissement de
son propre style, basé sur des rythmes réguliers,
chantants, avec un vers variable, développant souvent
des détails de la vie courante avec un regard oscillant
entre l'objectivité et la sensibilité du sujet
lyrique (La pomme du giron, 1933 ; Les mains de Vénus,
1936 ; Printemps, adieu, 1937).

J. S. et F. Halas à Beroun en 1940. Tiré
de Marie Jirásková, Hana Klínková
(ed.), Avec Jaroslav Seifert à travers le temps et
le mauvais temps [S Jaroslavem Seifertem časem i nečasem],
Prague, Památník Národního Písemnictví,
2001.
Il réagit aux accords de Munich dans
le recueil Eteignez les lumières (1938). Ses poèmes
écrits durant la guerre (il manque de peu d'être
fusillé pendant le soulèvement de Prague) s'appuient
sur des motifs du paysage tchèque, notamment sur Prague
(Vêtue de lumière, 1940 ; Le pont de
pierres, 1944), et sur la tradition culturelle du pays (L'éventail
de Boena Nemcová, 1940). Cette poétique
lui restera propre après la guerre pour des recueils
basés sur des uvres de Mikolá Ale
(Le peintre s'en va pauvrement de par le monde, 1949),
de Boena Nemcová (Chanson sur Viktorka,
1950) ou sur des souvenirs d'enfance (Maman, 1954). En
1949, il abandonne le travail de journaliste.
A partir des années 50, son style prend
un nouveau tournant : le ton se rapproche toujours plus de l'aveu,
du souvenir, les vers deviennent de plus en plus libres, proches
du style prosaïque de la langue parlée, ponctués
de paradoxes et de contrastes où le monde réel
côtoie le monde onirique, et libérés de
tout geste qui détournerait l'attention de la connaissance
et de la pensée (Le concert sur l'île, 1965
; La comète de Halley, 1967 ; La fonte des
cloches, 1967). Son uvre et son intervention courageuse
au Second congrès du Syndicat des écrivains tchécoslovaques
(1956) où il critique la politique culturelle de l'époque
dans son approche des écrivains non conformistes et des
auteurs emprisonnés (à la fin des années
60, il sera même à la tête d'une commission
uvrant pour leur réhabilitation) lui acquièrent
une grande autorité.
En 1969, il est élu président
de la nouvelle Union des écrivains tchèques. Celle-ci
est cependant dissoute un an plus tard à cause de sa
position critique envers l'occupation du pays par les armées
du Pacte de Varsovie. Seifert est alors interdit de publication
(seules quelques rééditions voient le jour). Ce
ne sera qu'à partir de la fin des années 70 que
les autorités politiques, pour cause de sa grande popularité
- et malgré sa signature de la Charte 77 - cherchent
à instaurer un compromis : Seifert aura le droit de publier
mais il ne devra plus signer aucune pétition de protestation
(condition que Seifert ne respectera pas). Plusieurs de ses
uvres paraîtront ainsi d'abord en samizdat (notamment
La Colonne de la peste, 1973 ; La parapluie de Piccadilly,
1978 ; Toutes les beautés du monde, 1979). Son
dernier recueil, Etre poète (1983), réintroduit,
en de nouvelles constellations, une atmosphère harmonieuse
renouvelée. En 1984, Seifert obtient le prix Nobel de
la littérature.
Jean-Gaspard Páleníček
D'après Zdenek Peat, " Jaroslav
Seifert ", in Slovník ceských spisovatelu
od roku 1945, T. 2, p. 348-352.