Un des plus grands poètes tchèques modernes.
Brièvement influencé à ses débuts
par le poétisme, il s’oriente rapidement vers
une expression abstraite et pessimiste (Le Triomphe de
la mort, 1930), puis à la fin des années
trente, révolutionnaire et antinazi, il devient un
auteur résolument engagé. Cette période
se prolonge durant les années de guerre et au-delà,
avec plusieurs compositions dédiés à
l’Union soviétique et à l’Armée
rouge (1945-1947). Bientôt, cependant, il remet en question
son engagement politique, rompt avec le parti communisme et
s’enferme dans un silence éloquent, interrompu
seulement lors de la libéralisation des années
60. « La double expérience du
nazisme et du communisme ayant fourni à Holan son substrat
historique, c’est par un langage de douleur qu’il
dominera dorénavant l’absurdité tragique
des choses, pour pouvoir atteindre les questions essentielles,
supra-historiques, questions qu’il pose non pas à
la société, ni même au monde, mais à
l’univers tel qu’il est conçu dans la tradition
archaïque. En se confondant dans un apparent cercle d’identité,
la question et la réponse atteignent une dimension
nouvelle : cette troisième et dernière période
de l’œuvre holanienne fait de son auteur, selon
ses propres paroles, un « poète sombre,
poète apocalyptique » de son temps.
V. H. avec František Halas à Zboněk
en Moravie lors des vacances de 1935, tiré du livre
Vladimír Justl, Œuvres complètes de
Vladimír Holan, volume 11 : Bagatelles [Sebrané
spisy Vladimíra Holana, svazek 11 : Bagately],
Prague, Odeon, 1988.
L’œuvre épique de Holan culmine avec les
Histoires [Příběhy] (1963)
écrites entre 1954 et 1962 et le poème Une
nuit avec Hamlet [Noc s Hamletem] (1964), écrit
entre 1949 et 1956. Tout en quittant le vers régulier
et les structures traditionnelles, Holan devient narrateur
actif, donnant au poète un rôle dominant par
rapport au message. Mais l’art de la contradiction –
contradiction exploitée jusqu’aux ultimes conséquences
possibles – permet à l’auteur de dépasser
le cadre simplement « épique »
de ses histoires et de leur fournir un tissu proprement dramatique.
Cette optique s’accentue encore dans Une nuit avec
Hamlet, le « summum de l’œuvre
holanienne » selon certains, réflexion,
méditation et dialogue rassemblant réalités
et personnages historiques dans une seule tragédie
moderne. La « période noire »
est également celle des recueils Iyriques, dont En
marche [Na postupu] (1964), Douleur
[Bolest] (1965), Un coq pour Asclépios
[Asképiovi kohouta] (1970). L’évolution
du genre Iyrique est semblable à celle des cycles épiques
: le vers se libère, le poème se confond avec
une réflexion, voire un aphorisme, le paradoxe est
plus présent que jamais. Après le Printemps
de Prague, interrompu par l’arrivée des chars
soviétiques, l’histoire se répète
pour les manuscrits de Holan : les deux derniers recueils,
rassemblés sous le titre de L'Abîme de l'abîme
[Propast propasti, 1982], ne verront le jour qu’après
la mort du poète. » (Patrick Ouředník). A
côté de vers pour enfants et de textes en prose,
il laisse une impressionnante œuvre de traduction (Ronsard,
Baudelaire, Rilke, Góngora, etc.)
J. G. Páleníček