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Je n'y croiserai personne

Introduction au monde
selon Zbyněk Hejda

 

1. En introduction

Le texte en prose Je n’y croiserai personne (Nikoho tam nepotkám) a été rédigé en 1960-1961 et a été publié pour la premičre fois dans la revue Tvář[1]. Il a été publié une seconde fois en décembre 1994 par la maison d’édition Archa en tant que second volume de la collection Tratoliště[2], puis une troisičme fois en 1996, en introduction du volume Básně publié par la maison d’édition Torst[3]. Dans la chronologie de l’śuvre littéraire de Hejda, cette śuvre se situe entre les recueils Toute volupté (écrit entre 1957 et 1959) et Et tout ici est plein de musique (écrit entre 1959 et 1961). Hejda esquisse en grande partie sa poétique dans ce texte qui constitue, ainsi que le disent Vratislav Färber et Antonín Petruželka, une introduction possible ŕ son śuvre. Nous plaçons donc son étude en tęte de notre travail, ainsi que cela a aussi été le choix des éditeurs pour la composition du volume Básně[4] et de Zdeněk Štipl dans son mémoire Le počte Zbyněk Hejda[5].

 

2. L’aveu et la recherche de l’expression juste

Ce texte a une structure torturée : les souvenirs et les visions ręvées se changent en réflexions, effectuent des va-et-vients entre la syntaxe poétique et la syntaxe épique, font émerger des fragments de poésies. Les personnages abstraits (le messager funčbre[6]…) s’y męlent aux personnes réelles (l’épouse, l’ami, Hedvika[7]…) et souvent, la frontičre entre l’abstrait et le concret est difficile ŕ cerner (lorsque les personnes concrčtes sont vues en ręve par exemple). Il est difficile de caractériser nettement cette méditation en prose poétique : Jiří Trávníček va jusqu’ŕ parler de deux courtes proses ou d’une double-prose réflexive et poétisante[8]. En effet, le texte a l’apparence de deux ensembles de notes extraits d’un journal intime. Le premier est męme daté de la nuit du trentičme anniversaire du počte. Le ton de la confession ordonne solidement le chaos apparent des motifs. En ce sens, il s’agit d’un texte de bilan, voire d’un aveu. Bien qu’il feigne ici de ne pas savoir ce qu’il en est[9], l’aveu est un élément trčs important pour Hejda. Il s’est exprimé ŕ ce sujet en parlant de Richard Weiner et de Jakub Deml, mais un certain nombre de ses remarques propres peuvent ętre parfaitement appliquées ŕ sa poésie : nulle part, dans toute son śuvre poétique ŕ lui aussi, il ne peut ętre question d’une quelconque auto-stylisation lyrique. Au contraire, il s’agit bien d’un message des plus impérieux qui se veut le plus précis et le plus sincčre possible. C’est de lŕ que vient ce besoin qu’a Hejda de peser chaque mot, de rechercher l’expression juste, de tester son emplacement dans la phrase, de se reprendre, męme au prix de détours[10]. Prenons comme exemple son habitude de souligner certains mots particuličrement significatifs pour la situation qu’il veut décrire (« il s’agissait d’un  s e c o n d  enterrement »[11], « le cercueil était ouvert ŕ  n o u v e a u »[12]…), ou celle de préciser les choses entre parenthčses, une habitude, qui devient une figure de style constante dans toute son śuvre[13] : ainsi, lorsque le narrateur évoque la photo de la suicidée, il s’empresse d’insérer une parenthčse pour décrire la femme en question. Puis, aprčs avoir mentionné la légende de la photographie, il donne le texte en original entre parenthčse avant de se demander – de s’excuser envers ses éventuels lecteurs germanophones – s’il a bien compris lui-męme de quoi il s’agissait[14]. Parfois, il ne s’agit que de donner une variante plus précise ou plus adéquate, souvent d’un seul mot, comme c’est le cas tout au début du texte : « La lettre commençait par l’en-tęte Cher (ou Mon cher ?)… »[15] L’embarras de Hejda apostrophant Deml est presque touchant : comme s’il sentait l’insuffisance d’un appel constitué par le seul nom du défunt počte, il le complčte par le titre de sa fonction. Mais c’est alors, et seulement lorsqu’il l’appelle de cette façon presque pompeuse, que Jakub Deml se lčve de son cercueil[16]. Chez Hejda, les mots doivent toujours ętre « moulants comme des tricots »[17].

Il ne s’agit pas seulement de rendre plus intéressants quelques procédés formels, nous sentons derričre chaque ligne que Hejda travaille son matériau non seulement par intéręt pour le matériau seul mais qu’il le fait ŕ cause d’un profond besoin, comme si ce qui était écrit et fixé n’était qu’un bref moment dans le cadre d’un long cheminement. Le message de Hejda a un caractčre fortement impérieux, il ne s’agit pas d’un simple message, mais d’un message d’une importance capitale. Cette importance est si grande qu’elle lui donne presque le caractčre d’une scčne ręvée. Elle nous suggčre que ce message a été comme jeté en ce monde une fois pour toutes, comme s’il avait un sens vital – tout comme cela se passe dans le ręve : les choses y sont floues, mystérieuses, mais absolument décisives[18]. Loin d’ętre seulement le fruit d’une fascination pour les possibilités formelles et métaphoriques que la réalité ręvée propose, c’est de lŕ que vient le rôle dominant du ręve dans l’śuvre de Hejda. Souvent le lieu oů l’on rencontre les morts (ici, Jakub Deml[19]), le ręve, ŕ son tour, empičte sur la réalité, plein de signes lourds de sens – un sens souvent caché, ainsi que c’est le cas de l’appellation « adorateur de tambours derričre le tambour »[20]. Chaque élément étant un indice, Hejda est nécessairement trčs attentif aux moindres détails : il se sent obligé de préciser qu’il devait ętre quatre heures environ lorsqu’il a découvert l’oiseau mourant[21], et non seulement pour situer la scčne dans le temps (quatre heures) et l’espace (l’obscurité). Le texte s’ouvre sur l’évocation d’un ręve que le narrateur a eu il y a onze ans, au sujet d’une femme âgée d’au moins dix ans de plus que lui[22] – il a donc ŕ présent le męme âge qu’elle avait alors : Hejda ne laisse passer aucune coďncidence, aussi insignifiante qu’elle puisse paraître. En ce sens, il se rapproche d’un autre počte qu’il a beaucoup défendu tout au long de sa vie : Ivan Blatný. Celui-ci aussi porte son attention autant sur des éléments hauts que bas, immédiatement parlants qu’en apparence insignifiants : ainsi, le souvenir d’un počte ou d’un peintre a, chez lui, autant de poids que celui d’un match de football. Cependant, « le sort tragique de l’aveu en poésie est qu’il est prédestiné ŕ ętre aussi, voire seulement, de la littérature. » Ayant discerné ce paradoxe, Hejda a néanmoins décidé de choisir cette « route risquée menant au dehors de la littérature, cette route autour de laquelle sont rassemblés maints spectateurs indifférents. » A nouveau, nous lui appliquons des mots qu’il a prononcé en parlant de Weiner : « Je ne pense pas seulement ŕ la valeur morale de ce courage, je pense ŕ sa valeur poétique, car je crois que c’est précisément que réside le devoir du počte. »[23] Par ailleurs, cette obsession de l’aveu, de la confession – confession impossible qui plus est, ŕ la dérive, puisqu’il n’y a pas ŕ qui se confesser – n’est pas sans rapprocher Hejda de Jakub Deml. Comme la foisonnante śuvre de Deml, on peut voir dans celle de Hejda une sorte de projection littéraire du fantasme, des complexes de l’auteur – le genre du journal semble ętre le plus adéquat alors puisqu’il négocie le temps qui passe, l’extérieur, avec la psyché, la réflexion.

 

3. Erotisme, écriture, suite de l’aveu

L’aveu de Hejda au sujet de sa « maladie de l’âme »[24] est souvent lié au désir absolu de la femme. Si les images sexuelles sont un des fonds métaphoriques constants dans toute son śuvre, elles ont un caractčre crű et désillusif dčs les premičres śuvres : « Lorsque je pense ŕ elles, les femmes ne m’intéressent que des genoux en haut et de la gorge en bas. »[25] Cette vision du corps – d’un corps monstrueux, morcelé – serait ŕ rapprocher du monde d’un Kafka ou d’un Kubin. De façon générale, l’érotisme de Hejda est trčs riche intertextuellement et serait ŕ rapprocher de l’érotisme des avant-gardes du 20e sičcle – mais l’intéręt principal en est dans la façon dont cet érotisme s’exprime : « On se pose toujours la question si la frontičre derričre laquelle se trouve le domaine du tabou, si cette frontičre n’est pas raisonable. Il s’agit de faire un pas dans l’inconnu, un pas assez risqué ŕ faire. Lors de l’écriture de poésies, la question du tabou est avant tout une question de genre. Nous pouvons voir cela chez Mácha : les mots, et pas seulement les mots, qu’il emploie dans les journaux intimes, ne se trouvent pas dans Mai. Outrepasser cette frontičre signifie au fond élargir l’espace du genre. (…) Je considčre comme assez important ce que j’ai dit : que l’on connaît ces mots, bien sűr, mais que, parce qu’ils sont tabous, ils provoquent un attrait particulier, voire une excitation. J’ai toujours été conscient de l’énorme risque qu’il y a ŕ les employer, le risque de ne les voir créer un contexte pornographique, parce que je ne voulais pas écrire de pornographie. »[26]

Ce désir sexuel est si fort que Hejda le met presque en opposition avec sa poésie : « Je désire la femme terriblement et je n’ai jamais pu renoncer pour une femme ŕ la possibilité du plaisir avec une autre femme (…), et pourtant, je n’échangerais la possibilité d’écrire des počmes contre aucune, pas męme contre la plus belle des femmes, pas męme contre dix ni contre vingt femmes, mais pour toutes les femmes, pour toutes les femmes au monde, j’y renoncerais. »[27]. Mais l’écriture elle-męme, que Hejda désigne comme son unique ambition[28], ne peut représenter le salut, ce n’est qu’une autre croix ŕ porter et « il n’est personne qui dirait oui, pas męme l’épouse, pas męme l’ami, pas męme l’amante, personne ne peut vous tendre la main, pas męme ma sśur, si j’avais une sśur, ne pourrait me tendre la main. Il s’agit d’un chemin, plein de sombres signes, incompréhensibles comme la vie elle-męme. »[29] Il s’agit d’une « plaie sanglante »[30]. Pourtant, Hejda fait son aveu, malgré la peur qu’en dévoilant les choses, tout, autour de lui et en lui, se mettra ŕ s’affaisser[31]. L’importance de son message est rendue plus tangible par des invectives directes au lecteur (« il faut me croire »[32], « vous voyez »[33]…) et par des répétitions : ainsi, le refrain « Je n’ai pas une seule raison de rire » est répété quatre fois[34] et la phrase finale, variation du titre du texte, apparaît peu avant la fin comme une sorte de fausse coda[35]. Malgré le refus de publication[36] et la réaction dépréciative du počte « qu’il honore ŕ genoux »[37], Hejda fait son aveu en redoublant de sincérité, confessant sa propre méchanceté[38]. Le fait d’admettre l’impossibilité de dire certaines choses contribue ŕ nous convaincre de la complčte honnęteté de son aveu. Certaines choses ne sont pas dites par faiblesse ou ŕ cause d’égards et vont jusqu’ŕ fausser l’image qu’ont de nous nos amis par exemple[39] – ces choses que nous prenons un malin plaisir ŕ dévoiler pleinement lorsque nous sommes « mordus par la perversité »[40]. Enfin, certaines choses semblent ętre du domaine de l’indicible et rendent la recherche d’un aveu des plus précis presque oppressante, comme si cette somme de détails était une esquisse du poids du destin : « En cette fin d’aprčs-midi lŕ, le ciel était comme de plomb, il pendait au-dessus de nous, sans bouger. Sur le chemin du retour, nous avons regardé vers Kaliště, comme nous regardons lŕ-bas chaque année.¶Il me vient ŕ l’esprit que je devrais peut-ętre écrire pourquoi nous regardons lŕ-bas, mais je ne peux pas écrire cela. Il ne s’y trouve rien, juste une longue pente et, ŕ l’horizon, une foręt. Sinon, il n’y a rien lŕ-bas, mais rien du tout ! »[41]

 

4. Le dépeuplement des lieux chers et la mort chez Hejda

Hejda répond au počme en prose lyrique Je retournerai lŕ-bas[42] de František Halas par l’affirmation toute dénuée de sentimentalité : je n’y croiserai personne. Toute l’śuvre de Hejda est remplie de descriptions trčs concrčtes de la région de Bohęme du Sud-Est Vysočina qui devient le lieu d’un « mythe rural »[43]. Ici, Hejda évoque la vieille habitude de mettre aux morts une mentonničre et de leur appliquer sur les tempes des compresses de vinaigre[44], et c’est avec un humour noir caractéristique qu’il parle de la femme qui referme les yeux de Deml de peur que ne soit gâché « son » enterrement[45]. Or, tout souvenir sur le chez-soi (domov), et qui est le chez-soi aussi parce que c’est lŕ que « sont nos tombes, c’est lŕ qu’on nous enterre »[46], finit toujours sur la lancée par aboutir ŕ des souvenirs de personnes mortes. La disparition de leur existence semble graver des marques de vide dans le tableau du chez-soi, des empreintes de néant dans le tableau de la vie. Le chemin qui mčne ŕ Horní Ves devient ainsi une expédition douloureuse ayant pour but de dépister oů ont encore eu lieu des disparitions, de faire l’inventaire de ce qui n’est plus, de ce dont on ne pourra plus que se souvenir dans la douleur. Hejda n’a pas reçu la grâce de l’oubli, c’est comme s’il ne vivait que de souvenirs qui, en ce moment, forment le présent et, par lŕ, anticipent impitoyablement le futur. En ce sens, le personnage de Hedvika[47], l’enfant abandonné, reflčte notre destin ŕ tous – nous aussi, au moment de notre naissance, sommes abandonnés par quelqu’un dans une douleur incessante, dans une perte continuelle des choses aimées, nous aussi pouvons avoir l’impression que notre histoire restera dans la mémoire des hommes, mais non, le murmure angoissant de Hejda précise bien que lorsque ceux qui se souviennent et racontent l’histoire mourront, nous disparaîtrons aussi[48] :

  « Il gčle ŕ pierre fendre, gel de janvier, ensoleillé,
dire au moins quelque chose encore,
conserver quelque chose des souvenirs de ceux
que j’ai aimés, et je n’ai rien su faire pour eux.
Cela ne rentre pas dans les mots. Avec moi,
tout s’en ira. Il ne restera rien. »[49]

Mais les disparus ne sont pas les seuls ŕ constituer des marques du néant : « Et c’est lŕ mon enfer. Et ma plus grande douleur est de voir comment tous ceux qui me sont chers disparaissent, je vais les voir et, au lieu de me réjouir de notre rencontre, j’observe comment la mort les ravage, ils me racontent quelque chose et moi, j’écoute comment leur voix a vieilli, je ne les entends plus que comme un écho. Je ne fais que regarder et graver dans ma mémoire leur visage bien-aimé. »[50] Tout comme les mains avec lesquels le narrateur a tué et qui lui rappelleront son crime pour toujours[51], chaque objet, chaque ętre nous renvoie l’inévitable sort de l’homme. Ainsi, lorsqu’en ręve Hejda apprend que sa mčre a une maladie grave, cela veut dire en réalité qu’elle a une maladie mortelle, qu’elle est déjŕ – comme nous tous, ŕ tout moment – sur le point de mourir[52]. Une des images les plus immédiatement parlantes est celle du cimetičre – significativement le monde de Hejda est clos entre le cimetičre de Dubenky, celui de Cerekev et la vue au loin de Bezděčín[53]. Lorsque Hejda parle du sort des morts, le sort des vivants y est déjŕ présent. C’est pour cela que l’histoire de la mort du petit oiseau nous touche si fortement[54] : les battements faiblissants de ce petit cśur, rappelant vaguement ceux du cśur du cousin Jarka et les petits coups de tęte que donne le cousin mort contre le bois du cercueil[55], sonnent le glas de nous tous, il s’agit bien lŕ d’une image du sort inévitable de tout ce qui est vivant. Et si Hejda se demande ensuite pourquoi avoir écrit au sujet de la mort de l’oiseau, il ne s’agit bien entendu d’une question qu’en apparence[56] : « le phénoménologue conséquent qu’est Hejda voit toute chose, ŕ tout moment, dans le second pôle de l’existence, dans le déclin, dans le non-ętre »[57]. Chaque moment de bonheur ou de joie est, dčs sa naissance, inséparablement lié, comme ŕ sa propre ombre, ŕ la peur, ŕ l’angoisse : « Lorsque j’aime quelqu’un, le bonheur que je ressens est traversé d’une douleur si grande que cela n’en est męme plus du bonheur, mais juste une sorte de pressentiment aigu du bonheur. J’ignore ce qu’il en est vraiment, je sais juste que lorsque je suis avec maman et que je me sens le plus heureux du monde, une angoisse et une peur de mort m’envahissent soudain, et que c’est ŕ cause de la conscience du fait que nous sommes mortels (…) »[58]. C’est de lŕ, probablement, que vient la nécessité d’ętre le plus précis possible : bien plus que les symboles mystérieux vus en ręve, chaque personne, chaque objet, chaque événement est un memento mori et le monde n’est qu’une immense et incessante danse de la mort. Męme le désir de la femme est miné et la jouissance porte intrinsčquement en elle la terreur du fait que ce désir męme aura une fin, que son sort est fixé depuis longtemps déjŕ. Dans l’śuvre de Hejda, le désir et l’acte sexuel sont les images oů la contradiction de la création et de la fin fatale de la création vers laquelle tout s’achemine atteint son summum. Le sexe féminin deviendra dans Proximités de la mort autant la porte de la vie que la préfiguration de la tombe[59]. D’oů que l’on parte, on en arrive toujours ŕ la męme et unique chose, nous y entrons de tous les sens. « Qu’est-ce donc qui s’est alors ouvert en mon âme ? »[60] se demande Hejda en pensant ŕ cet autre désir, absolu, sans objet, ce désir de tout, expérimenté lors de la vue du lointain Kaliště[61]. Mais que désirer encore lorsque savoir ce que l’on a signifie savoir ce que l’on ne pourra jamais plus avoir le moment d’aprčs ?[62]  Il en est de męme de ces longs regards dans ce paysage oů il n’y a rien – questionner le rien équivaut ŕ chercher le pourquoi : oů aller et d’oů appeler lorsque chaque mot témoigne toujours de la seule et męme chose, lorsque chaque mot devient en męme temps question et réponse et renvoie la terreur qui est apparue lors de la question ŕ celui qui s’interroge[63] ? Hejda n’est pas dupe quant au sort de son aveu : « Je marchais quelque part peut-ętre et j’appelais, mais personne ne m’entendait »[64]. Car la réponse ŕ l’aveu « n’est pas l’absolution, la réponse n’est que silence, un silence si profond qu’il en ressemble ŕ la mort, c’est un chemin ŕ travers le village nocturne qui dort, personne, nulle part, ne se fait entendre, tu appelles, mais il n’y a que le silence, le silence, le silence… »[65] Ne pouvant arręter notre désir nulle part puisque tout renvoie toujours au męme, nous nous refermons – nous affaissons – en nous-męmes.[66] La structure de Je n’y croiserai personne est d’autant plus torturée que le thčme en est unifié : comment éviter l’angoisse lorsque je sais que quoi que je fasse, toutes mes actions font ŕ l’avance partie du seul et unique cheminement possible – vers la mort. A quoi bon tenter de donner au texte un souffle épique lorsque je suis déjŕ dans l’épique[67] ?

Cette analyse phénoménologique du pressentiment de la mort trouve probablement sa plus troublante expression dans l’image du messager porteur d’un message dont on ne peut que deviner le contenu[68] : « Mes ręves les plus terribles sont les ręves sur la maladie de maman ou sur quelque horrible nouvelle ŕ son sujet que quelqu’un est venu m’annoncer et que je ne comprends pas, mais je sais que quelque chose de terrible a eu lieu. Le messager me cache quelque chose, il énonce son message dans un code que je ne connais pas, ou en se taisant, le plus souvent en se taisant, debout sur le pas de la porte, mais je sais qu’il porte un message de maladie, qu’il porte un message de mort. »[69] Il s’agit toujours d’interpréter l’intrusion de l’inconnu dans la vie alors que cette intrusion soulčve déjŕ ŕ elle seule une vague d’appréhensions et de mauvais pressentiments. Ainsi que le fait remarquer Zdeněk Štipl, l’interprétation de l’annonce du message est ici brouillée par cinq fois : l’atmosphčre du ręve dans laquelle la scčne se déroule est un premier voile d’insécurité, souligné par l’incapacité de comprendre le message et la nécessité de le deviner. Puisque le messager cache quelque chose, nous sommes obligés d’imaginer le pire. Le code dans lequel le message est exprimé nous est bien entendu inconnu. Enfin, le messager reste muet et cela ne fait que confirmer nos appréhensions. Malgré ces cinq insécurités, Hejda déduit immédiatement le contenu du message sans douter un seul instant qu’il ait compris correctement[70]. Mais la fatalité de cette vision fait que nous non plus n’en doutons pas un instant[71]. Il s’agit lŕ d’un véritable problčme existentiel – d’ailleurs, l’aveu de Hejda, ŕ la fois confession et dénonciation, n’est pas sans rappeler celui de Jean-Baptiste Clamence[72]. Mais si le fondement de l’horreur de vivre est le pressentiment de la mort, il ne s’agit pas tant de notre propre mort que de celle des autres: « (…) c’est ŕ cause de la conscience du fait que nous sommes mortels, mais pas que je sois mortel, moi… Et je ne peux en écrire plus car j’ai peur ne serait-ce que d’y penser. »[73] Ce n’est pas tant notre propre mort qui est terrible mais, avant tout, le fait de vivre face ŕ la mort des autres : « Ou bien je pense ŕ ceux que j’aime, et que tous ceux que j’aime un jour devront mourir et que moi, mon Dieu, je serais peut-ętre obligé de vivre. »[74]

 

5. En conclusion

Le refrain « Je retournerai lŕ-bas » de Halas est répété ici, mais Hejda sait que chaque retour vers les endroits aimés est substantiellement lié ŕ la découverte douloureuse que des parcelles de ce « lŕ-bas » sont irrémédiablement perdues et que personne ne pourra les faire revenir. La personnalité de l’homme dans son état d’ętre en route n’est pleinement formée que par les relations qui le lient aux particularités du monde qui l’entoure, qu’il s’agisse de relations avec des personnes proches ou avec des endroits et des objets. Seulement, la délimitation de l’existence par le temps met en péril toutes les relations possibles dčs leur naissance. Ainsi, chaque réflexion au sujet de la réalité est cantonnée ŕ discerner ce qui a déjŕ disparu et ce qui en train de se préparer ŕ la mort[75]. « Je dois retourner lŕ-bas bien que tout lŕ-bas fasse mal, ŕ voir comme tout y change, comme ils y vieillissent tous et meurent, comme ils goudronnent les routes et coupent les foręts, comme les foręts s’y font toujours de moins en moins épaisses et comme lŕ oů avant il y avait une foręt, ŕ présent il y a des prairies, et comme les chemins s’y embroussaillent, comme mon chemin s’y embroussaille jusqu’ŕ ce qu’il ne soit plus. »[76]. On sent, dans le cri de Hejda, le « rien » (nic) de Mácha du deuxičme chant de Mai[77], le « nevermore » de Poe[78] et le « N’ętre nulle part »[79] de Halas[80] : « Męme si j’appelais non, Mort, non, je ne la prierai pas assez ni ne crierai assez et un jour, un vide énorme m’enveloppera dans lequel il n’y aura plus męme d’écho, dans lequel il n’y aura plus rien. »[81] Enfin, quelques minutes avant minuit, Hejda termine son aveu : « je retournerai encore une fois lŕ-bas demain, mais cela ne sera pas pour toujours, il n’est pas de lieu oů l’on pourrait revenir, František Halas, je retournerai lŕ-bas mais un jour notre maison sera sombre et vide et le chemin de Cerekev ne sera pas un chemin car maman ne marchera pas dessus. (…) [P]as une feuille ne bruissera, pas un oiseau ne criera, personne n’ira nulle part, je ne croiserai sur le chemin de Horní Ves je n’y croiserai plus jamais personne. »[82]

 

Notes

[1] Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], Tvář, nş 9, 2e année, 1965, p. 8-13, avec la note : (Zkráceno) [(Raccourci)].

[2] Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], éd. Pavel Petr, Zlín, Archa, 1994. Le texte est le męme que celui publié précédemment dans Tvář, mais sans la note au sujet du raccourcissement.

[3] Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Počmes [Básně], éd. Vratislav Färber et Antonín Petruželka, note éditoriale de Michael Špirit, Prague, Torst, 1996, p. 7-27. Les éditeurs ont eu en mains le tapuscrit (probablement tapé par l’auteur) ŕ partir duquel s’était faite l’édition dans Tvář. Il comporte deux ensembles compacts que Hejda a retranché pour l‘édition de 1965. Le texte final n‘étant pas affecté par cette coupe, ils ont décidé – trčs probablement aprčs consultation de l‘auteur – de ne pas les rajouter.

[4] « Nous plaçons la prose Je n’y croiserai personne (1960-1961), se situant aprčs le premier recueil dans la chronologie de l’œuvre de Hejda, avant les six recueils (comprenant des textes de 1957-1996), et c’est lŕ la seule entorse que nous faisons ŕ la chronologie de la création des œuvres, car nous ne voulons interrompre la continuité des recueils de poésie. De plus, dans cette prose, Hejda a esquissé sa poétique, et en plaçant ce texte en tęte du présent volume, nous le considérons comme une possible « introduction ŕ l’œuvre entičre ». » [« Prózu Nikoho tam nepotkám (1960-1961), která časově spadá za první sbírku, zařazujeme před šest básnických knih (obsahující texty z let 1957-1996), a v tomto jediném případě nedodržujeme chronologii vzniku díla, neboť nechceme narušit kontinuitu básnických sbírek. V této próze navíc Hejda naznačil svou poetiku, a tak umístění textu Nikoho tam nepotkám do čela svazku pokládáme za možný « úvod do díla ». »], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 287.

[5] Zdeněk Štipl, Le počte Zbyněk Hejda [Básník Zbyněk Hejda], Prague, Univerzita Karlova, Pedagogická fakulta, 2001.

[6] « Mes ręves les plus terribles sont les ręves sur la maladie de maman ou sur quelque horrible nouvelle ŕ son sujet que quelqu’un est venu m’annoncer et que je ne comprends pas mais je sais que quelque chose de terrible a eu lieu. Le messager me cache quelque chose, il énonce son message dans un code que je ne connais pas, ou en se taisant, le plus souvent en se taisant, debout dans la porte, mais je sais qu’il porte un message de maladie, qu’il porte un message de mort. » [« Moje nejstrašnější sny jsou sny o nemoci maminky nebo o nějaké hrozné zprávě o ní, kterou mi někdo přišel sdělit, a já jí nerozumím, ale vím, že se něco strašného stalo. Ten posel mi něco skrývá, své poselství sděluje šifrou, již neznám, nebo mlčky, nejčastěji mlčky, stoje ve dveřích, ale já vím, že je to posel nemoci, že je to posel smrti. »], Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 12.

[7] « (…) il n’est personne qui dirait oui, pas męme l’épouse, pas męme l’ami, pas męme l’amante, personne ne peut vous tendre la main, pas męme ma sœur, si j’avais une sœur, ne pourrait me tendre la main. » [« (…) není nikdo, kdo by řekl ano, ani žena, ani přítel, ani milenka, nikdo vám nemůže podat ruku, ani sestra, kdybych měl sestru, nemohla by mi podat ruku. »], Ibid., p. 22-23 ; « Hedvika est née dans cette région qui est la mienne. Dans mon počme sur elle, plus que les éléments de sa vie, je retiens plutôt ce que j’ai entendu raconter d’elle. On parle d’elle souvent et toujours dans les męme termes, de sorte que l’on pourrait avoir l’impression – ŕ cause des signes de légende que ces histoires portent – qu’elle vivra longtemps dans la mémoire commune. Mais lorsque mourront ceux qui l’ont connu, son histoire sera oubliée. Il ne s’y trouve ni amour, ni salut, mais elle recčle, malgré le fait que Hedvika soit retardée, notre destin ŕ tous. Hedvika est un enfant abandonné. » [« Hedvika se narodila v tomto mém kraji. V mé básni o ní se více než jejího skutečného života přidržuji toho, co jsem o ní slyšel vyprávět. Vypráví se o ní často a stále stejnými slovy, takže by se mohlo zdát – pro znaky pověsti, které taková vyprávění nesou –, že bude dlouho žít v přežívající paměti. Ale až pomřou ti, kteří ji znali, její příběh bude zapomenut. Není v něm ani láska, ani vykoupení, ale je v něm uložen, ačkoli je Hedvika blbeček, oseud nás všech. Hedvika je odložené dítě. »], Ibid., p. 16.

[8] « Dvě krátké prózičky (či snad jedna reflexivně-básnivá dvojpróza?) », Jiří Trávníček, « Co oni vědí o mém pekle » [« Qu’en savent-ils eux, de mon enfer »], Tvar, année 6, n° 11, p. 20.

[9] « Au fond, qu’en est-il de l’aveu en poésie ? Et comment se fait-il que moi, qui, en de trčs rares, mais si heureux moments de ma vie, pense ętre počte, comment se fait-il que je ne le sache pas ? » [« Jak vůbec je to s tím vyznáním v básni? A jak to, že já, jenž se ve velice vzácných, ale tak šťastných chvílích života domnívám, že jsem básník, jak to, že to nevím? »], Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 18.

[10] « On ne me suspectera sűrement pas de songer, au sujet de l’œuvre de Weiner, ŕ une quelconque auto-stylisation lyrique ; c’est ŕ son contraire le plus opposé que je pense, c’est pour cela que je parle d’aveu ; si l’on peut désigner ainsi un message le plus précis et le plus sincčre, mais aussi le plus impérieux possible, donné ŕ son propre sujet.¶C’est de lŕ que vient cette façon qu’a Weiner de soupeser chaque mot, de chercher l’expression juste, son positionnement progressif, ses corrections, voilŕ pourquoi tous ces détours dans sa façon de s’exprimer. » [« Jistě nebudu podezříván, že mě nad Weinerovým dílem napadá úvaha o nějaké lyrické sebestylizaci; mám na mysli pravý opak, právě proto mluvím o vyznání; možno-li to tak říci o maximálně přesné a upřímné, ale také naléhavé zprávě o sobě.¶Proto to Weinerovo vážení každého slova, ohlédávání výrazu, jeho postupné umísťování, korigování, proto všechny ty vyjadřovací okliky. »] Zbyněk Hejda, « Une note sur Richard Weiner » [« Poznámka o Richardu Weinerovi »], Tvář, année 2, n° 6, 1965, p. 29-30, repris in Tvář, ed. Michael Špirit, Prague, Torst, 1995, p. 129-132.

[11] « (…) tohle že je pohřeb  p o d r u h é. », Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 20.

[12] « Překvapovalo mě, že po tak dlouhé době je rakev  z n o v u  otevřena », Ibid., p. 21.

[13] Nous en trouvons deux occurrences dans Toute volupté [Všechna slast], neuf dans Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], trois dans Et tout ici est plein de musique [A tady všude muziky je plno], huit dans Proximités de la mort [Blízkosti smrti], neuf dans Lady Feltham [Lady Felthamová], dix dans Séjour au sanatorium [Pobyt v sanatoriu] et neuf dans Valse mélancolique [Valse mélancolique].

[14] « Je n’ai, moi, aucune raison de rire, j’ai juste lu, dans un magazine, sous la photographie d’une trčs belle femme (elle avait, sur cette photos, les jupes trčs retroussées et de belles jambes et elle est déjŕ morte), qu’elle a préféré se donner la mort plutôt que de prendre la profession de prostituée (zog sie den Freitod dem Gewerbetem der Prostituisten vor), ai-je bien compris ? » [« Já nemám žádný důvod k smíchu, já jsem si jen přečetl v jednom časopise pod fotografií velice krásné ženy (měla na tom obrázku velice vyhrnuté sukně a krásné nohy a ona už je mrtvá), že dala přednost dobrovolné smrti před živnostenským listem prostitukty (zog sie den Freitod dem Gewerbetem der Prostituisten vor), rozumím tomu dobře? »], Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 20.

[15] « Dopis začínal oslovením Milý (nebo Drahý?) » Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Ibid., p. 11. Nous sommes confrontés ici ŕ un problčme de traduction, « milý » et « drahý » étant deux nuances trčs proches de « cher ».

[16] « (…) et j’appelai pendant lontemps : Jakub Deml, Jakub Deml, Pčre Jakub Deml… et j’appelais cela, j’appelais, jusqu’ŕ ce qu’il rouvre les yeux. (Je sais qu’au départ, je n’appelais que Jakub Deml, mais aprčs, me rendant compte de l’insuffisance de cela, j’appelais Pčre…) » [« (...) a volal jsem dlouho: Jakube Demle, Jakube Demle, Patere Jakube Demle... a to jsem volal a volal, dokud znovu neotevřel oči. (Vím, že jsem zpočátku volal jen Jakube Demle, ale potom z poznání jakési nedostatečnosti toho volal jsem Patere...) »], Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 21.

[17] « (…) slova přiléhavá jako trikoty », in « Na konec » [« A la fin »], Zbyněk Hejda, Toute volupté [Všechna slast], in Ibid., p. 77-78.

[18] « Il ne s’agit pas, pour Weiner, en premier lieu, de rendre plus intéressants quelque procédé formel, nous sentons derričre chacune de ses lignes qu’il travaille son matériel non seulement par intéręt pour le matériel seul, mais qu’il le fait ŕ cause d’un profond besoin intérieur, comme si ce qui était écrit et fixé n’était qu’un moment, arręté le tant d’un instant, dans le cadre d’un long cheminement. Derričre chacun des messages de Weiner, nous sentons également un énorme caractčre impérieux, il ne s’agit pas d’un simple message, mais d’un message d’une importance capitale, d’une importance si grande, qu’il en prend un caractčre de scčne ręvée. (…)Le caractčre impérieux de certains des messages poétiques de Weiner est si fort (…), qu’il nous suggčre qu’ils ont été comme jetés en ce monde une fois pour toutes, comme s’ils avaient un sens vital : tout comme cela se passe dans le ręve : les choses y sont floues, mystérieuses, mais absolument décisives » [« U Weinera nejde v prvé řadě o ozvláštnění určitých formálních postupů, za každou jeho řádkou cítíme, jak jazykový materiál opracovává nejen z popudu tohoto materiálu, ale z hlubšího niterného popudu, jako by to, co je napsáno a fixováno, bylo jenom momentem, maličko utkvělým momentem dlouhého směřování odněkud někam. Za každým Weinerovým sdělením cítíme také obrovskou naléhavost, není to prostá zpráva, je to velmi naléhavá zpráva, naléhavá až snově. (...) Naléhavost některých básnických sdělení Weinerových (...) bývá tak velká, že sugeruje, jako by byla odněkud do světa vržena jednou provždy, jako by měla životní význam: tak jako se to stává ve snu: nejasný, tajemný, ale rozhodující. »], Zbyněk Hejda, « Une note sur Richard Weiner » [« Poznámka o Richardu Weinerovi »], Tvář, année 2, n° 6, 1965, p. 29-30, repris in Tvář, ed. Michael Špirit, Prague, Torst, 1995, p. 129-132.

[19] « Cette année, le vingt-cinq mai, aprčs cinq heures du matin, j’ai fait un ręve.¶C’était l’enterrement de Jakub Deml. (…) » [« Letos, dvacátého pátého května po páté hodině ráno jsem měl sen.¶Byl pohřeb Jakuba Demla. (….) »], in Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 20-22.

[20] « Car, il y a onze ans, j’étais déjŕ un adorateur de tambours derričre le tambour./Comment est-ce que cela a-t-il échoué dans mon ręve ? Car cette appellation avait un sens caché qui m’étais accessible dans le ręve (…) » [« Protože už před jedenácti lety jsem byl uctivač bubnů za buben./Jak se mi to dostalo do snu? To oslovení totiž mělo nějaký skrytý význam, kterému jsem ve snu rozuměl (...) »], Ibid., p. 12.

[21] « Une fois, la nuit, tard dans la nuit, il pouvait ętre quatre du matin (…) » [« Jednou v noci, hluboko v noci, mohly být čtyři hodiny z rána (...) »], Ibid., p. 23.

[22] « Il y a onze ans, j’ai eu un ręve (…) » [« Před jedenácti lety jsem měl sen (...) »], Ibid., p. 11.

[23] « Je tragickým paradoxem básnického vyznání, že je předurčeno být také nebo snad jen literaturou. Vidím význam Richarda Weinera v tom, že rozpoznav tento paradox, podnikl přesto tu riskantní cestu ven z literatury, tu cestu, kolem níž stojí plno netečných diváků. Nemám na mysli jen mravní význam této odvahy, mám na mysli její význam básnický, neboť se domnívám, že to je vlastně posláním básníkovým. »  Zbyněk Hejda, « Une note sur Richard Weiner » [« Poznámka o Richardu Weinerovi »], Tvář, année 2, n° 6, 1965, p. 29-30, repris in Tvář, ed. Michael Špirit, Prague, Torst, 1995, p. 129-132.

[24] « Ce n’est pas un langage codé, dans lequel le počte se dissimulerait, il fait l’aveu d’une maladie de l’âme, peut-ętre le fait-il maladroitement, pas assez, et au mauvais moment, peut-ętre n’a-t-il seulement pas encore assez de courage… » [« Není to šifra, do níž se básník skrývá, on se vyznává z nemoci duše, snad se vyznává špatně, málo a na neprávém místě, snad ještě nemá dost odvahy… », Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 18.

[25] « Mne, když na ně myslím, zajímají ženy od kolen nahoru a od hrdla dolů » Zbyněk Hejda, Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 14.

[26] « Člověk si vždycky klade otázku, jestli ta hranice, za kterou je tabuizovaná oblast, jestli to není rozumná hranice. Je to vykročení do neznáma, dost riskantní vykročení.¶Při psaní poesie je otázka tabu především otázkou žánru. Můžeme to vidět u Máchy: slova, a nejen slova, která užívá v denících, v Máji nejsou. Překračovat tuto hranici vlastně znamená prostor žánru rozšiřovat. (…) Považuji za dost důležité, co jsem řekl, že ta slova samozřejmě člověk zná, ale protože byla tabu, měla svou zvláštní přitažlivost, až vzrušivost. Uvědomoval jsem si vždycky to nesmírné riziko, aby se tím, že je použiju, aby se nedostala do kontextu pornografického, protože jsem pornografii psát nechtěl. », in Antonín Petruželka, « Je ne pense pas que le lecteur puisse ne pas se passer de mes vers » [« Nemyslím, že čtenář by se bez mých veršů neobešel »], Revolver Revue, n° 35, 1997, p. 134-135.

[27] « Já strašně toužím po ženě a nikdy jsem se nemohl pro jednu ženu zříci možnosti rozkoše s jinou (…) a přece bych možnost psát básně nevyměnil za žádnou, ani za tu nejkrásnější ženu, ani za deset a za dvacet žen, ale za všechny ženy, za všechny ženy na světě bych se jí zřekl. », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 19-20.

[28] « Je n’ai aucune ambition, j’ai seulement la grande ambition d’ętre počte. » [« Já nemám žádnou ctižádost, já mám jen velkou ctižádost být básníkem »], Ibid., p. 22.

[29] « (…) není nikdo, kdo by řekl ano, ani žena, ani přítel, ani milenka, nikdo vám nemůže podat ruku, ani sestra, kdybych měl sestru, nemohla by mi podat ruku. Je to cesta, plná temných znamení, nesrozumitelných jako život sám. », Ibid., p. 22-23.

[30] « J’écris mes počmes entre onze heures et deux heures de la nuit. Ensuite, le matin, fatigué et affaibli, dans l’insécurité au sujet de ce que j’ai écrit, j’ai peur d’ouvrir mon cahier, j’ai peur de toucher cette plaie sanglante » [« Své básně píšu mezi jedenáctou a druhou hodinou v noci. A potom ráno, unavený a mdlý, v nejistotě o tom, co jsem napsal, se bojím otevřít svůj sešit, bojím se sáhnout na tu krvácející ránu »], Ibid., p. 22. Nous retrouverons cette image du cahier dans le dernier recueil de Hejda, dans « (Aujourd’hui, j’ai ręvé de Honza) » [« (Dnes se mi zdálo o Honzovi) »], Valse mélancolique [Valse mélancolique], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 263. Voir l’annexe pour la traduction française de ce texte.

[31] « Oh, ceci n’est pas un aveu. Sinon, tout, autour, commencerait alors ŕ s’affaisser comme cela s’affaisse en moi. » [« Ó, tohle není vyznání. To by se všechno kolem začalo sesouvat, jako se to ve mně sesouvá. »], Ibid., p. 18. Ce concept de l’affaissement est fondamental dans la poésie de Hejda, nous aurons l’occasion d’en reparler ) plusieurs reprises, notamment en 3.3.7. Pour l’instant, remarquons seulement la difficulté de traduire correctement le terme. Nous suivons l’exemple d’Erika Abrams (Cf. Zbyněk Hejda, Lady Feltham, Orphée/La Différence, 1989) et, parmi les mots s’écrouler, (s’)ébouler, crouler, glisser, s’affaisser, rouler, déraper, choisissons, faute de mieux, s’affaisser.

[32] « Et ŕ présent, je dois ŕ nouveau confirmer qu’il en est ainsi, qu’il faut me croire. » [« A já teď musím znovu dotvrzovat, že to tak je, že se mi to musí věřit. »], Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 19.

[33] « Vous voyez, et ça, ma femme le sait, mais mon ami, que j’aime tant, il ne le sait pas. » [« Vidíte, a tohle moje žena ví, ale můj přítel, kterého miluju, ten to neví »], Ibid., p. 20.

[34] « Já nemám žádný důvod k smíchu » Ibid., p. 11, 16, 20 et 26.

[35] « (…) pas une feuille ne bruissera, pas un oiseau ne criera, personne n’ira nulle part, je ne croiserai sur le chemin de Horní Ves je n’y croiserai plus jamais personne. » « (…) nebude šelestit listí, nezakřičí pták, nikam nikdo nepůjde, nepotkám na cestě k Horní vsi už nikdy nikoho tam nepotkám. », Ibid., p. 25 et 27.

[36] « Je n’ai pas une seule raison de rire, bien qu’ils ne veulent pas que je sois triste. Mes počmes ne peuvent ętre publiés parce que, paraît-il, ce sont les počmes « d’un solitaire et qu’on n’y fait que deviner le combat avec les ténčbres. Il reste encore ŕ les remplir de l’acte poétique ». » [« Já nemám žádný důvod k smíchu, ačkoliv oni nechtějí, abych byl smutný. Mé básně nemohou vyjít, protože prý to jsou básně « samotáře a zápas s tmou je v nich zatím jen tušit. Zbývá ho naplnit básnickým činem ». »], Ibid. p. 11.

[37] « Une fois, j’ai passé toute une nuit en présence d’un počte que j’honore « ŕ genoux » (…) » [« Jednou jsem celou noc pobyl v přítomnosti básníka, kterého ctím « na kolenou » (…) », Ibid., p. 17. Bien que cela n’éclaire en rien le texte, notons au passage – pour l’anecdote – qu’il s’agit de Vladimír Holan (Entretien enregistré le 22. 8. 2003).

[38] « Et maintenant je dois confirmer ŕ nouveau qu’il en est ainsi, qu’il faut me croire. Je dois prouver que je ne suis ni tendre, ni fort, mais que je suis méchant, que j’ai déjŕ engendré beaucoup de mal, et que je l’ai fait par faiblesse. » [« A já teď musím znovu dotvrzovat, že to tak je, že se mi to musí věřit. Já musím dokazovat, že nejsem ani něžný, ani silný, ale že jsem zlý, že jsem kolem sebe nasel už hodně zla, a že jsem je působil ze slabosti. »], Ibid., p. 19.

[39] « A moins que je ne puisse aller chez mon ami que j’aime tant, mais j’ai si peur de lui mentir ou bien d’ętre mauvais envers lui si je ne lui mentais pas, alors je préfčre me taire. Mais je suis aussi torturé par l’angoisse que s’il m’aime, c’est une autre forme de moi qu’il aime (…) » [« Ledaže mohu jít k příteli, kterého miluju, ale tolik se bojím, abych mu nelhal, nebo zas abych mu nebyl příliš špatný, kdybych nelhal, a tak raději nemluvím. Ale také mě svírá úzkost, že miluje-li mě, miluje nějakou jinou mou podobu (…) »], Ibid., p. 13.

[40] « Et il y a eu dans ma vie une femme ŕ qui j’ai tout dit ŕ mon sujet, quoi que męme ŕ elle je n’ai pas tout dit et tout cet aveu n’était pas tant par pureté du cœur qu’ŕ cause de la morsure de la perversité… » [« A byla v mém životě žena a té jsem řekl o sobě všechno, vlastně ani té jsem všechno neřekl a nebylo všechno to vyznání ani tak pro čistotu srdce, jako bylo z uštknutí perversí… »], Ibid., p. 13.

[41] « Ten navečer obloha byla jako z olova, visela nad námi a ani se nepohnula, cestou zpátky jsme se dívali ke Kališti, jako se díváme každý rok.¶Napadá mi, že bych snad měl napsat, proč se tam díváme, ale já to napsat nemohu. Ono tam nic není, jen dlouhý svah a na obzoru les. Nic tam jinak není, ale docela nic! », Ibid., p. 17. Une image trčs semblable réapparaît dans le dernier recueil de Hejda, cf. « (Il était entendu) » [« (Bylo domluveno) »] et « (Les pins au bord de la foręt) » [« (Borovice na okraji lesa) »], Valse mélancolique [Valse mélancolique], Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 259-260 et p. 261. Voir l’annexe pour leur traduction française.

[42] František Halas, Já se tam vrátím, Prague, František Borový, 1948.

[43] « Dans le recueil Toute volupté, ainsi que dans le livre suivant, Proximités de la mort, Hejda nous amčne dans la contrée fantomatique de la ruine et du déclin, oů le monde des morts se fond avec le monde de ceux qui sont encore vivants. On y trouve les personnages traditionnels de la campagne – l’équarisseur, l’idiot du village, le fossoyeur, les musiciens, les demoiselles d’honneur, les putes et les chiens errants – se forme ainsi une sorte de cruel mythe rural. » [« Ve sbírce Všechna slast i v následující knize Blízkosti smrti nás Hejda přivádí do přízračné krajiny zmaru a zániku, v níž se svět mrtvých prolíná se světem ještě živých. Vystupují zde tradiční venkovské postavy – ras, obecní blb, hrobník, muzikanti, družičky, děvky a potulní psi – a vytváří se jakýsi krutý rurální mýtus. »], Vratislav Färber, « Básník blízkosti smrti » [« Le počte de la proximité de la mort »], Revolver Revue, n° 16, 1991, p. 44-46.

[44] « Notre tombe se trouve tout en haut. C’est lŕ que gisent grand-pčre et mon cousin, que j’aimais du plus profond de mon âme. Je l’ai vu, son menton attaché avec un foulard, des compresses de vinaigres sur les tempes, comme s’il y avait des plaies, son pauvre cœur exténué s’était déjŕ tu (…) » [« Až nahoře je náš hrob. Tam leží dědeček a bratranec, kterého jsem z duše miloval. Viděl jsem ho, jak má bradu podvázanou šátkem, s octovými obklady na spáncích, jako by v nich měl rány, jeho ubohé uvláčené srdce už umlklo (...) »], Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 15.

[45] « (…) je me tenais lŕ et j’observais ce corps mort qui, tout d’un coup, avait bougé, comme mu par un souffle, je me tenais lŕ et j’observais Jakub Deml ouvrir les yeux. J’appelai, je ne sais plus si j’appelai qu’il était vivant ou qu’il avait bougé, mais ŕ mon appel, qui était dű ŕ la surprise plutôt qu’ŕ la joie, une femme inconnue accourut et, sans le moindre égard, enfonça ŕ nouveau ces yeux qui se rouvraient. Elle avait peur pour l’enterrement, elle craignait que « son » enterrement ne fűt gaché. » [« (...) stál jsem tam a pozoroval to mrtvé tělo, které se najednou pohnulo, jakoby dechem, stál jsem tam a pozoroval, jak Jakub Deml otvírá oči. Volal jsem, nevím už, jestli jsem volal, že žije nebo že se pohnul, ale na moje volání, které bylo spíš z překvapení než z radosti, přiběhla neznámá žena a ty otvírající se oči bezohledně zatlačila. Bála se o pohřeb, měla strach, aby se ten « její » pohřeb nepokazil. »], Ibid., p. 21.

[46] « Prčs de Horní Ves oů est né mon pčre, ŕ Cerekev et Dubenky, c‘est lŕ que sont nos tombes. C‘est lŕ qu‘on nous enterre. » [« V blízkosti Horní Vsi, kde se narodil můj otec, v Cerekvi a v Dubenkách, jsou naše hroby. Tam nás ukládají. »], Ibid., p. 15.

[47] « Hedvika est née dans cette région qui est la mienne. Dans mon počme sur elle, plus que les éléments de sa vie, je retiens plutôt ce que j’ai entendu raconter d’elle. On parle d’elle souvent et toujours dans les męme termes, de sorte que l’on pourrait avoir l’impression – ŕ cause des signes de légende que ces histoires portent – qu’elle vivra longtemps dans la mémoire commune. Mais lorsque mourront ceux qui l’ont connu, son histoire sera oubliée. Il ne s’y trouve ni amour, ni salut, mais elle recčle, malgré le fait que Hedvika soit retardée, notre destin ŕ tous. Hedvika est un enfant abandonné. » [« Hedvika se narodila v tomto mém kraji. V mé básni o ní se více než jejího skutečného života přidržuji toho, co jsem o ní slyšel vyprávět. Vypráví se o ní často a stále stejnými slovy, takže by se mohlo zdát – pro znaky pověsti, které taková vyprávění nesou –, že bude dlouho žít v přežívající paměti. Ale až pomřou ti, kteří ji znali, její příběh bude zapomenut. Není v něm ani láska, ani vykoupení, ale je v něm uložen, ačkoli je Hedvika blbeček, oseud nás všech. Hedvika je odložené dítě. »], Ibid., p. 16.

[48] « Tout souvenir sur le chez-soi, sur la région d’oů provient la famille de Hejda et qui est le chez-soi aussi parce que c’est lŕ que « sont nos tombes, c’est lŕ qu’on nous enterre », finit toujours sur la lancée par se tourner vers des souvenirs de personnes mortes, dont l’existence disparue semble graver des marques de vide dans le tableau du chez-soi, semble prendre des parcelles de son ętre et, ŕ la place, laisser des empreintes de néant. Le chemin qui mčne ŕ Horní Ves devient ainsi une expédition douloureuse ayant pour but de dépister oů ont encore eu lieu des disparitions, de faire l’inventaire de ce qui n’est plus, de ce dont on ne pourra plus que se souvenir en pleurant. Ce počte n’a pas reçu la grâce de l’oubli, c’est comme s’il ne vivait que de souvenirs qui, en ce moment, forment le présent et, par cette construction, anticipent impitoyablement les choses futures. Le personnage de Hedvika, l’enfant abandonné, reflčte notre destin ŕ tous – nous aussi, au moment de notre naissance, sommes abandonnés par quelqu’un dans une douleur incessante, dans une perte continuelle des choses aimées, nous aussi pouvons avoir l’impression que notre histoire restera dans la mémoire des hommes, mais non, le murmure angoissant de Hejda précise bien que lorsque ceux qui racontent l’histoire mourront, nous disparaîtrons aussi » [« Vzpomínky na domov, kraj, z něhož pochází Hejdova rodina a který je domovem právě i proto, že tam « jsou naše hroby, tam nás ukládají », se vždy setrvačně stočí k vzpomínkám na zemřelé, jejichž pominuvší existence jako by do obrazu domova vyřezávala prázdné místo, odebírala bytí část z jeho těla a zanechávala na uvolněném místě znak nicoty. Cesto do Horní Vsi se tak vždy stává boletsnou výpravou za zjištěním, kolik toho zase kde ubylo, co už není a na co je nutno už jenom v slzách vzpomínat. Tomuto básníkovi není dána milost zapomenutí, jako by žil jenom ze vzpomínek, které teď, v tomto okamžiku, konstituují přítomnost, a touto stavbou nemilosrdně předjímají věci budoucí. V podstatě Hedviky, odloženého dítěte, se zrcadlí cesta nás všech – i my jsme v okamžiku svého zrození kýmsi odloženi do neustávající bolesti, neustálého ztrácení milovaných věcí, i o našem příběhu by se mohlo zdát, že zůstane v lidské paměti, ale ne, ozývá se Hejdův úzkostný šepot, až zemřou vypravěči příběhu, zmízime i my. »], Zdeněk Štipl, Le počte Zbyněk Hejda [Básník Zbyněk Hejda], Prague, Univerzita Karlova, Pedagogická fakulta, 2001, p. 18.

[49] « Mrzne až praští, je jasný lednový ledový den,/jen ještě něco říct,/uchovat něco z památky na ty,/které jsem miloval a byl jsem jim na nic./Do slov to nevchází. Spolu se mnou/odejde všechno. Nezůstane nic. », in « Pour S. », Zbyněk Hejda, Séjour au sanatorium [Pobyt v sanatoriu], in Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 233.

[50] « A to je moje peklo. A moje největší bolest je, jak se mi všichni ztrácejí, já za nimi chodím, a místo abych se radoval ze setkání, pozoruju s úskostí jejich tváře, pozoruju, jak je pustoší smrt, oni mi něco vypravují a já poslouchám, jak jim zestaral hlas, já už je slyším jako ozvěnu. Já jenom hledím a vrývám si do paměti tu milovanou tvář. », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Ibid., p. 25.

[51] « Hier, j’ai ręvé de tuer quelqu’un. C’était un ręve horrible, j’ai tué une vieille femme, c’était quelque part dans un champs, parmi les béteraves, et je l’ai tué avec mes mains. Rien ne m’est donc épargné, pour toujours, je porterai ces mains en signe de mon crime (…) » [« Na včerejšek se mi zdálo, že jsem někoho zabil. Byl to strašný sen, zabil jsem starou ženu, bylo to někde v poli, v řepě a zabil jsem ji rukama. Ničeho tedy nezůstávám ušetřen, navždycky budu nosit tyto ruce jako znamení svého zločinu (...) »], Ibid., p. 25.

[52] « Une autre fois, j’ai ręvé que maman était tombée gravement malade, cette maladie commençait par la cataracte, mais je savais, moi, qu’il s’agissait de la leucémie. » [« Jindy se mi zdálo, že maminka onemocněla zlou nemocí, ta nemoc začínala na bělmo, ale já jsem věděl, že je to leukémie »], Ibid., p. 12.

[53] « L’étendue de cette contrée est clos par Cerekev, Dubenky et Bezděčín (...) » [« Cerekví, Dubenkami a Bezděčínem je uzavřen obzor tohoto kraje (…) »], Ibid., p. 15. Cf. aussi les descriptions de la région, Ibid., p. 14-17.

[54] « Une fois, la nuit, (…) [j]e rentrais par un chemin sur lequel gisait un oiseau blessé. C’était un petit oiseau, mais déjŕ emplummé, il frappait la terre de ses ailes et criait alors que je passais prčs de lui et moi, je voulais l’aider. Je me suis baissé, mais il se mit ŕ crier encore plus et, en frappant de ses ailes, il fuyait devant moi de par l’herbe. Je l’ai tout de męme attrapé./Je l’ai pris dans ma main, (…) je sentais son cœur battre, d’abord fortement et plein de peur, puis plus silencieusement et plus calmement, jusqu’ŕ ce que je sente qu’il cesse de trembler. Je l’ai reposé dans l’herbe, mais alors que je m’éloignais, il se mit ŕ crier avec tellement d’angoisse, il avait tellement peur, il avait tellement peur d’ętre seul qu’il se remit ŕ avancer sur ailes, mais dans ma direction cette fois. Je dus retourner sur mes pas. Je l’ai pris dans ma main et nous nous tenions lŕ ainsi, il s’est roulé en boule dans la paume de ma main et c’était comme s’il pleurait en silence. Je me tins lŕ longtemps, longtemps son cœur terminait de battre, je me tins lŕ longtemps, jusqu’ŕ ce que je sente qu’il est en train de refroidir doucement dans ma main. Lorsqu’il s’est figé tout ŕ fait, je l’ai reposé avec précaution dans l’herbe. » [« Jednou v noci, (…) [v]racel jsem se po cestě, ne které ležel zraněný pták. Byl to ptáček, ale už opeřený, tloukl do země křídly a křičel, jak jsem šel okolo, a já jsem mu chtěl pomoci. Shýbl jsem se, ale on se ještě víc rozkřičel a tluče křídly unikal mi trávou. Já jsem ho přece jen chytil./Vzal jsem ho na dlaň, (…) cítil jsem, jak mu tluče srdce, nejdřív hlasitě a polekaně, potom tišeji a klidněji, až jsem cítil, jak se přestává chvět. Položil jsem ho do trávy, ale jak jsem se vzdaloval, rozkřičel se tak úzkostlivě, tolik se zase bál, tolik se bál být sám, že se zas dal po křídlech na cestu, jenomže teď za mnou. Musel se vrátit. Vzal jsem ho na dlaň a tak jsme tam stáli, on se mi celý schoulil do dlaně a bylo to, jako když tiše pláče. Stál jsem tam dlouho, dlouho mu srdce dotloukalo, stál jsem dlouho, až jsem cítil, jak mi v dlani pomalu vychládá. Když ztuhl, položil jsem ho opatrně do trávy. »], Ibid., p. 23.

[55] « (…) son pauvre cœur exténué s’était déjŕ tu ; lorsqu’il mourait, on pouvait entendre son cœur ŕ plusieurs pas, paraît-il. J’ai entendu les coups que sa tęte donnait contre le bois du cercueil, j’ai entendu ces sombres frappements de tęte, parce que les routes sont tortueuses lŕ-bas, profondes, et moi, j’allais parmi les premiers derričre le cercueil. » [« (...) jeho ubohé uvláčené srdce už umlklo; když umíral, bylo prý slyšet na několik kroků. Slyšel jsem ůdery jeho hlavy o rakvové dřevo, slyšel jsem to temné otloukání hlavy, protože cesty jsou tam nerovné, hluboké a já jsem šel s prvními za rakví. »], Ibid., p. 15.

[56] « Et maintenant, je me demande : pourquoi ai-je écrit au sujet de la mort de ce petit oiseau ? » [« A teď se ptám: proč jsem psal o umírání ptáčka? »], Ibid., p. 23.

[57] « (...) [Hejda] jako důsledný fenomenolog-odhalovatel vždy a každou věc zákonítě vidí v druhém pólu existence, v zániku, v nebytí. » , Zdeněk Štipl, Le počte Zbyněk Hejda [Básník Zbyněk Hejda], Prague, Univerzita Karlova, Pedagogická fakulta, 2001, p. 19.

[58] « Když já někoho miluji, je štěstí, které prožívám, prostoupeno tak velkou bolestí, že už to ani není štěstí, ale jakési jeho ostré tušení. Já nevím, jak to je, já jen vím, že když jsem s maminkou a nejvíc šťasten, že mě najednou zachvátí smrtelná úzkost a strach a že je to z vědomí, že jsme smrtelní lidé (…) », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 12-13.

[59] « Je plonge dans les entrailles./Quelle blague, quelle blague:/c’est une tombe. » [« Nořím se do útrob./Ten žert, ten žert:/je to hrob. »], in « Bientôt la fin du printemps. » [« Bude po jaru »], in « Celle qui est Hortense » [« Ta, která je Hortensie »], Proximités de la mort [Blízkosti smrti], in Ibid., p. 175.

[60] « Co se mi to tenkrát rozevřelo v duši? », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Ibid., p. 26.

[61] « Ten navečer obloha byla jako z olova, visela nad námi a ani se nepohnula, cestou zpátky jsme se dívali ke Kališti, jako se díváme každý rok.¶Napadá mi, že bych snad měl napsat, proč se tam díváme, ale já to napsat nemohu. Ono tam nic není, jen dlouhý svah a na obzoru les. Nic tam jinak není, ale docela nic! », Ibid., p. 17.

[62] « Connaître tout ce que l’on a signifie, chez Hejda, savoir en męme temps l’étendue de tout ce que nous n’aurons plus la minute d’aprčs. » [« Vědět, co všechno máme, znamená u Hejdy současně vědět, co všechno hned v dalším okamžiku už nebudeme mít. »], Jiří Trávníček, « Qu’en savent-ils eux, de mon enfer » [« Co oni vědí o mém pekle »], Tvar, année 6, n° 11, p. 20.

[63] « Oů aller et d’oů appeler lorsque chaque mot témoigne de la męme chose, devient simultanément question et réponse, et renvoie sans pitié la terreur apparue lors de son articulation au locuteur ? » [« Kam jít a odkud volat, když každé slovo vypovídá o tomtéž, stává se otázkou i odpovědí a hrůzu, která se zjevila při jeho artikulaci, nelítostně vrací nazpět k mluvčímu? »], Zdeněk Štipl, Le počte Zbyněk Hejda [Básník Zbyněk Hejda], Prague, Univerzita Karlova, Pedagogická fakulta, 2001, p. 19.

[64] « Snad jsem někudy chodil a volal, ale ono mě nebylo slyšet. », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 24.

[65] « Odpovědí na to vyznání není rozhřešení, odpovědí na ně je ticho, ticho tak hluboké, že se podobá smrti, je to jako cesta noční spící vsí, nikde nikdo se ti neozývá, ty voláš, ale je ticho, ticho, ticho… », Ibid., p. 18.

[66] C’est de lŕ aussi que vient la difficulté mentionnée plus haut qu’a Hejda ŕ se comporter avec son ami : « A moins que je ne puisse aller chez l’ami que j’aime, mais j’ai tellement peur de lui mentir, ou bien d’ętre trop mauvais envers lui si je ne lui ments pas, alors je préfčre me taire. (…) Oh, si je devais tout dire, autour de moi, tout commencerait ŕ s’affaisser, tout comme, en moi, cela s’affaisse. » [« Ledaže mohu jít k příteli, kterého miluju, ale tolik se bojím, abych mu nelhal, nebo zas abych mu nebyl příliš špatný, kdybych nelhal, a tak raději nemluvím. (...) Ó kdybych měl všechno říci, to by se okolo mne všechno začalo sesouvat, jako se to ve mně sesouvá. »], Ibid., p. 13.

[67] « Pourquoi s’efforcer de faire de l’épique avec mon texte, lorsque je suis de toute façon déjŕ dedans ? » [« Proč svým textem pokoušet epiku, když už jsem stejně v ní? »], Jiří Trávníček, « Co oni vědí o mém pekle » [« Qu’en savent-ils eux, de mon enfer »], Tvar, année 6, n° 11, p. 20. Mais, il me semble que Trávníček n’est pas suffisamment convaincu du côté voulu de la structure du texte et semble ne pas voir que sa forme variée contribue organiquement ŕ donner au credo de Hejda son caractčre des plus impérieux tout en persuadant le lecteur de son absolue sincérité.

[68] L’image du messager trouve elle aussi sa résolution dans le dernier recueil de Hejda. Cf. « (Ces jours-ci) » [« (Tyto dny) »], Valse mélancolique [Valse mélancolique], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 278. Voir l’annexe pour la traduction française.

[69] « Moje nejstrašnější sny jsou sny o nemoci maminky nebo o nějaké hrozné zprávě o ní, kterou mi někdo přišel sdělit, a já jí nerozumím, ale vím, že se něco strašného stalo. Ten posel mi něco skrývá, své poselství sděluje šifrou, již neznám, nebo mlčky, nejčastěji mlčky, stoje ve dveřích, ale já vím, že je to posel nemoci, že je to posel smrti. », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Ibid., p. 12.

[70] En ce sens, Milan Exner va jusqu’ŕ affirmer : « Je pense que tous ceux qui voient dans le scepticisme du počte la découverte d’une quelconque certitude se trompent. Ce n’est pas le cas. La certitude de la mort n’est pas, chez Hejda, une certitude… C’est une phobie. » [« Myslím, že se mýlí všichni, kdo v básníkově skeptičnosti vidí nacházení jakési jistoty. Není v ní žádná. Jistota smrti není u Hejdy jistotou… Je to fobie. »], Milan Exner, « Pamětnice zla, klevetnice na dobrém – nad básnickým dílem Zbyňka Hejdy », Tvar, année 8, n° 5, 1997, p. 11.

[71] Cf. Zdeněk Štipl, Le počte Zbyněk Hejda [Básník Zbyněk Hejda], Prague, Univerzita Karlova, Pedagogická fakulta, 2001, p. 20.

[72] Albert Camus, La Chute, Editions Gallimard, 1956.

[73] « (…) je to z vědomí, že jsme smrtelní lidé, ale ne že já jsem smrtelný… A víc už ani napsat nemohu,protože se na to bojím i pomyslit. », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 13.

[74] « Anebo myslím na ty, jež miluju, a na všechny, jež miluju, že jednou musí zemřít a že já, proboha, že já snad budu muset žít. », Ibid., p. 14.

[75] « Ale Hejda ví, že každý návrat do milovaných míst je bytostně spojen s bolestným poznáním, že části onoho « tam » jsou nenávratně ztraceny a že je nikdo nebude moci přivolat zpátky. Osobnost člověka v jeho podobě bytí na cestě plně dotváří až vztahy, které ho poutají k jednotlivostem okolního světa, ať už jde o vztahy k blízkým lidem nobe o vztahy k místům a věcem. Časovým vymezením existence jsou ale všechny vazby stvoření od svěho vzniku ohroženy, a tak se každá reflexe skutečnosti neustále zmítá v rozpoznání, co už zaniklo a co se k zániku připravuje. », Zdeněk Štipl, Le počte Zbyněk Hejda [Básník Zbyněk Hejda], Prague, Univerzita Karlova, Pedagogická fakulta, 2001, p. 20-21.

[76] « Musím se tam vracet, ačkoli všechno tam bolí, jak se to tam mění, jak mi tam stárnou a umírají, jak mi tam asfaltují cesty a kácejí lesy, jak mi tam řídnou lesy, a kde byl dřív les, jsou paseky, a jak tam zarůstají cesty, jak mi tam zarůstá má cesta, až nebude. », Je n’y croiserai personne [Nikoho tam nepotkám], in Zbyněk Hejda, Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 26-27. La traduction est ici bien insuffisante, la plupart des tournures en tchčque indiquent que le narrateur s’approprient ces endroits et disent le fort lien qu’il a envers eux.

[77] « « Une nuit plus sombre. Ici, dans la nuit/Se glisse encore le clair de lune,/Le feu scintillant des étoiles./Lŕ-bas, rien que l’ombre déserte !/Nulle lueur, nulle, nulle./La noire nuit seule y demeure./Lŕ-bas, tout ne fait qu’un./Lŕ-bas, pas de coupure./Tout est sans fin, pas de moment –/Sans fin la nuit, le jour sans aube./Lŕ-bas, le temps qui ne passe point,/Lŕ-bas nul bruit – nul but – nul terme –/Sans fin toujours, toujours sans fin,/L’éternité qui me regarde./Autour de moi, rien que le vide/Sur moi, sous moi, rien que le vide –/Plus rien que le vide béant –/Sans fin, silence – nulle voix –/Sans fin, espace – et nuit – et temps…/Ainsi l’esprit ręve la mort,/Ainsi ręvé-je le néant,/Avant que demain ne finisse,/J’entrerai seul dans ce néant désert… »/L’homme et la voix s’évanouissent – » [« « Temnější noc! – – – Zde v noční klín/ba lůny žár, ba hvězdný kmit/se vloudí – – tam – jen pustý stín,/tam žádný – žádný – žádný svit,/pouhá jen tma přebývá./Tam všecko jedno, žádný cíl –/vše bez konce – tam není chvíl,/nemine noc, nevstane den,/tam času neubývá. –/Tam žádný – žádný – žádný cíl –/bez konce dál – bez konce jen/se na mne věčnost dívá./Tam prázdno pouhé – nade mnou/a kolem mne i pode mnou/pouhé tam prázdno zívá. –/Bez konce ticho – žádný hlas –/bez konce místo – noc – i čas – – –/To smrtelný je mysle sen,/toť, co se « nic » nazývá./A než se příští skončí den,/v to pusté nic jsem uveden. – – – »/Vězeň i hlas omdlívá. », Karel Hynek Mácha, Mai [Máj], Prague, 1836 ; trad. H. Jelínek et J. Pasquier, Revue Poésie, n° 10-11, 1936.

[78] In Edgar Allan Poe, « The Raven », The Raven and other poems, 1845.

[79] In František Halas, « Nulle part » [« Nikde »], Grand ouvert [Dokořán], Prague, 1936.

[80] « C’est comme, dans un écho, revenaient ici le rien du deuxičme chant de Mai de Mácha, le nevermore de Poe, ou le N’ętre nulle part, Nulle part ô ma terre, mais de façon plus marquée, plus pesante. » [« Jako by se tu vracelo ozvěnou Máchovo nic z druhého zpěvu Máje, Poeovo nevermore či Halasovo Nikde nebýti ó Nikde ty má zemi, jenže jaksi ulpívavěji, ztěžkleji. »], Jiří Trávíček, « Co oni vědí o mém pekle ? », Tvar, 1995, année 6, n° 11, p. 20.

[81] « Já, i když budu volat ne, Smrti, ne, já ji neuprosím ani neukřičím a pak jednou mě obklopí obrovská prázdnota, kde už nebude ani ozvěn, nebude nic », Nikoho tam nepotkám, in Počmes [Básně], Prague, Torst, 1996, p. 25.

[82] « (…) já se tam zítra zase vrátím, ale nebude to navždy, není se kam vracet, Františku Halasi, já se tam vrátím, ale jednou bude naše chalupa temná a prázdná a cesta k Cerekvi nebude cesta, protože maminka po ní nepůjde. (…) [N]ebude šelestit listí, nezakřičí pták, nikam nikdo nepůjde, nepotkám na cestě k Horní vsi už nikdy nikoho tam nepotkám. », Ibid., p. 27.

 

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