Jaroslav Haek
Ecrivain tchèque. Né à
Prague le 30 Avril 1883, mort à Lipnice le 30 Janvier 1923.
Issu d'une famille d'instituteurs dans le besoin, il passa son
baccalauréat option commerciale, mais tira son principal
enseignement de ses longs vagabondages, qui le conduisirent souvent
à pied et sans argent, avec des compagnons qu'il choisissait
parmi les marginaux, à travers l'Europe Centrale et les
Balkans. Bien que sensible aux paysages, il s'intéressait
surtout aux gens de toutes les couches sociales, y compris les
bas-fonds ; cette singulière " éducation sentimentale
" s'acheva dans les cercles de la Bohême praguoise.

Haek vu par Josef Lada
Après un passage dans une banque
et des tentatives au sein de quelques rédactions, Haek
opta pour la liberté d'homme de lettres. Son anarchisme
foncier, son goût pour la provocation et la mystification
ainsi que ses talents de conteur - et ses beuveries - en firent
rapidement l'une des figures de proue des milieux littéraires
et artistiques de Prague. Il attira l'attention, entre autres,
comme fondateur d'un parti parodique qu'il représentait
aux élections de 1911 - l'année où Alfred
Jarry formulait les principes de sa 'pataphysique - et dont il
nous laissa une chronique ubuesque dans son Histoire du parti
du Progrès dans les limites de la loi [Dějiny
strany mírného proroku v mezích zákona,
1962]. Nombre de récits, humoristiques, satiriques, parodiques,
dont Haek inondait la presse, comportent également
des éléments autobiographiques. Il en écrivit
1200 en tout, improvisés hâtivement sans ambition
littéraire, dans une perpétuelle course au cachet.
Il sont très inégaux, se contentant ordinairement
de l'humour conventionnel des almanachs populaires, mais on y
entrevoit déjà ce mélange unique d'expérience
personnelle et d'échos de lecture, de réalité
et de mystification, de sentimentalité et de cruauté,
de rire et de sarcasme qui caractérisera son Chveïk.
Cet " idiot du bataillon " apparaît
pour la première fois dans Le Brave Soldat Chveïk
et autres histoires curieuses [Dobrý voják
Svejk a jiné podivné historky, 1912]. Chveïk
ne reçut pourtant sa forme définitive qu'après
" l'excursion dans l'histoire " que fut pour Haek
la Première Guerre mondiale. Elle l'amena jusqu'au fond
de la Galicie, où il passa du côté des Russes
; prisonnier, il s'engagea d'abord dans la légion tchécoslovaque,
puis passa à l'armée Rouge. Il évoqua ironiquement
ses aventures de commissaire dans l'armée Rouge dans les
récits de son Gouverneur de la ville de Bougoulma
[Velitelem města Bugulmy, 1966]. En 1920, Haek
regagna Prague, capitale de la nouvelle Tchécoslovaquie
; il partit un an plus tard pour Lipnice, en Bohême de l'Est,
pour y achever son uvre capitale : Le Brave Soldat Chveïk.
Les trois premiers tomes de cette épopée grotesque
et monstrueuse de la Grande Guerre furent publiés rapidement
entre 1921 et 1923. Il apportèrent à son auteur,
pour la première fois, non seulement la sécurité
matérielle, mais aussi un grand succès populaire
et la reconnaissance littéraire. Le roman resta inachevé
: gravement malade, Haek ne fut capable de dicter qu'une
partie du quatrième tome. A Prague, on prit d'abord la
nouvelle de sa mort prématurée pour une mystification.
Xavier Galmiche
"Dictionnaire des Auteurs", T. 2,
Robert Laffont, p1393