Note sur les caricatures
de Gellner
« On peut déceler deux périodes
dans la création de dessins de František Gellner.
La première correspond à l’époque
des recueils Après nous le déluge !
[Po nás at přijde potopa!] (1901) et Les
joies de la vie [Radosti ivota] (1903).
Il s’agit avant tout des dessins faits pour les revues
Nový kult et Šibenicky (1902-1904),
des illustrations du Baptême de Saint Vladimír
[Křest sv. Vladimíra] de Karel Havlícek
Borovský (1904) et de celles des Strophes de Palič
[Paličový sloky] de Karel Horký
(1905). Les moyens d’expression (l’épaisse
ligne des contours, la surface propre…) trahissent la
sensibilité Art nouveau prédominante alors. Nous
trouvons là une unité de style, les signes avant-coureurs
de ce que seront les caricatures que Gellner dessinera à
partir de 1911 n’apparaissent que rarement. Gellner donne
forme ici à la multitude de personnages-types qui peuplent
ses poèmes : la bourgeoise aux mœurs légères,
le jeune malade et sans le sou, etc.
La seconde période correspond à
l’époque du recueil Nouveau vers [Nové
verše] (1914, publié en 1919). Les dessins
de Gellner sont alors liés au journal Karikatury
(1910-1911) et à la rubrique Večery du
journal Lidové noviny de Brno, pour lequel Gellner
travaille à partir de 1911. Il s’agit le plus souvent
de caricatures réagissant de façon directe aux
événements politiques en Europe et à la
vie publique de Bohême. La verve satirique tend à
évincer les petits personnages propres au monde de Gellner (ce
n’est plus le Christ que le diable tient par la main,
mais un parlementaire morave, etc.). Ses dessins se veulent
à présent avant tout immédiatement fonctionnels,
comme s’ils ne représentaient pour lui maintenant
rien de plus qu’un gagne-pain efficace. Le côté
atemporel de certains dessins de la première période
s’est perdu.
Jean-Gaspard Pálenícek
d’après la note éditoriale de Jana Skarlantová
in František Gellner : Les joies de la vie
[František Gellner: Radosti ivota]
Prague, Ceskoslovenský spisovatel, Klub přátel
poezie, 1974. »