Accueil
L'association
Nous contacter
L'atelier de traduction
Caractères spéciaux


Tous les auteurs
Le poétisme
La littérature tchèque depuis 1945


Les ouvrages
Bibliographie générale des oeuvres traduites


Chronologie générale
Le printemps de Prague
Documents sur la période communiste
Masaryk


Quelques liens utiles


 


Stanislav Kostka Neumann - Moderní Revue

 

Le saule

Karel Jaromír Erben

 

Assis matin à déjeuner,
Le seigneur s'est fort étonné :

« Ma dame, ma mie, ma commère,
qui as toujours été sincère,

bien sincère as toujours été -
mais une chose m'as cachée.

Des deux ans que sommes unis -
elle me cause grand souci.

Ma mie, femme que j'aime tant,
quand tu dors, qu'est-ce qui te prend ?

Ton corps le soir se couche en vie,
mais c'est un cadavre la nuit !

Tu dors sans bruit, privée d'ouïe,
et sans donner signe de vie.

Ton corps est froid comme la pierre,
comme s'il retombait en poussière.

Ton enfançon a beau pleurer,
lui-même ne sait t'éveiller ! -

Ma femme bien-aimée, ma mie,
serait-ce donc la maladie ?

Si c'est un mal qui est la cause,
qu'un sage avis soigne la chose,

Il est tant d'herbes dans le pré,
Une herbe saura te soigner.

Si les simples sont sans succès,
le Mot, magique, aura effet.

Car le Mot guide les nuages,
sauve les bateaux du naufrage,

Magique il commande aux tisons,
brise le roc, vainc le dragon.

Du ciel une étoile ôtera :
c'est le Mot qui te guérira. » -

« Ah messire! mon bon seigneur,
laissez donc ces propos oiseux.

À ce qui de naissance échoit,
nul remède on ne trouvera.

Un mot humain ne peut briser
ce que la Parque a décrété.

Si en mon lit je perds les sens,
de Dieu je reste en la puissance.

De Dieu je suis en la puissance,
qui chaque nuit prend ma défense.

Et mon sommeil fût-il de mort,
l'esprit me revient à l'aurore.

Et je me lève saine et sauve ;
aussi fie-t'en au Seigneur Dieu. » -

En vain, femme, auras-tu parlé,
l'homme nourrit d'autres visées.

Une vieille assise dans l'âtre
verse de l'eau d'un bol dans l'autre.

Voici douze bols, versés d'un trait.
L 'homme la prie de le guider.

« Entends, mère, toi qui sais tant,
toi qui sais le destin des gens,

qui sais le mal qu'envoie le sort,
et quand vient la femme de mort.

Révèle-moi donc maintenant,
ma femme - qu'est-ce qui la prend ?

Son corps le soir se couche en vie,
mais c'est un cadavre la nuit !

dormant sans bruit, privée d'ouïe,
et sans donner signe de vie.

Son corps est froid comme la pierre,
comme s'il tombait en poussière. » -

« Cette mort, comment l'empêcher,
puisqu'elle ne vit qu'à moitié ?

De jour à la maison, son âme
la nuit retourne dans un arbre.

Va au ruisseau, sous la clairière,
Là, un saule à l'écorce claire,

croissent dessus de jaunes rames,
c'est là qu'est l'âme de ta femme! » -

« Je n'ai voulu femme acquérir
pour qu'avec un saule elle vive.

Que ma femme avec moi demeure,
et que le saule en terre meure. » -

Il mit la cognée à l'épaule,
aux racines coupa le saule.

L'arbre lourd a rejoint le fond,
le saule a un soupir profond.

Il gémit et pousse un soupir,
comme une mère qui expire,

Comme une femme en expirant
les yeux tournés vers son enfant. -

« On se hâte vers ma maison ?
Le glas, pour qui le sonne-t-on ? » -

« Elle est morte, ta femme aimée,
comme par une faux tranchée ;

comme elle était à travailler,
elle a chu comme arbre coupé.

Elle a soupiré en mourant
les yeux tournés vers son enfant. » -

« Malheur sur moi car j'ai tué
à mon insu ma bien-aimée !

car j'ai fait au même instant
un orphelin de mon enfant !

O saule, saule clair et blanc,
que tu m'as causé de tourment !

De ma vie tu pris la moitié,
de toi que dois-je décider ? » -

« Fais-moi retirer du ruisseau,
fais couper mes jaunes rameaux.

En planchettes fais-moi tailler,
et un berceau fais fabriquer.

Mets ton enfant dans le berceau,
pour que s'apaisent ses sanglots.

Et quand quelqu'un le bercera,
sa mère l'aura en ses bras.

Plante mes branches près de l'eau,
pour que renaisse un saule beau.

Quand le petit aura grandi,
taillera des flûtiaux jolis.

Et quand son flûtiau sonnera -
A sa mère il parlera ! »

 

Traduit par Xavier Galmiche

 

© Bohemica 2.0, 2001-2006 - Accueil - Contact